Mutuelles et syndicats se distancient de plus en plus des partis dont ils étaient proches. Pas pour faire moins de politique, mais mieux.
Alors qu’un ancien vice-Premier vient d’accéder à la tête de la plus grande mutualité de Belgique, que deux partis se bagarrent pour éviter que le deuxième plus grand syndicat de Belgique soit dirigé par un syndicaliste plus proche de l’autre que de soi, et que le troisième plus grand syndicat de Belgique réfléchit à changer d’étiquette parce qu’elle le priverait d’influence, les cris robotiques convergent: c’est très mal, c’est l’horreur de la particratie éternelle, le summum du règne des présidents de partis, tout est politisé en Belgique, ouin-ouin, rien ne changera jamais.
Or, ces trois faits d’été égrenés montrent le contraire de ce que l’on dit qu’ils montrent. Ils témoignent de ce que les piliers ne sont plus ce qu’ils étaient, et que les partis, pris individuellement, n’ont plus du tout l’influence qu’ils avaient. Ils sont même parfois une réaction à cette perte d’influence, comme le sursaut bruyant d’un agonisant se débattant seul contre un monde qu’il ne maîtrise plus.
D’abord, le fait que le syndicat libéral envisage de se débarrasser de son épithète politique parce qu’il ne trouve plus de relais au MR et à l’Open VLD, soit dans les formations de sa famille politique historique, est plutôt un indice de réduction de l’imprégnation partisane, au moins libérale, des acteurs organisés du monde du travail, que l’inverse.
Trois faits témoignent que les partis, pris individuellement, n’ont plus du tout l’influence qu’ils avaient.
Ensuite, le fait que le PS et le PTB soient fort attentifs au choix, par les instances de la FGTB, de celui qui succédera à Thierry Bodson à la fin de l’année, marque simultanément la baisse du pouvoir du premier et la hausse de l’importance du second dans la base du syndicat socialiste. Cette concurrence pas encore saignante, mais déjà très tendue, est en outre combattue par ceux qui, dans l’appareil syndical, défendent une plus distante autonomie vis-à-vis de toute formation politique. Et elle s’épice de la volonté du PS lui-même, qui n’a pas eu besoin de s’engager dans sa très cosmétique refondation pour réfléchir à ce que lui rapportait, mais aussi à ce qu’a pu lui coûter, l’indéfectible et parfois étouffante association avec la FGTB.
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Enfin parce que si l’expérience politique de Georges Gilkinet est sans doute un atout pour la Mutualité chrétienne, dont il devient directeur général, cela en est probablement moins un pour la nouvelle direction d’Ecolo, qui ne valorisait pas spécialement son bilan, et que Georges Gilkinet n’a pas spécialement promue lors des élections internes consécutives au cataclysme électoral de 2024.
Et qu’une précédente secrétaire nationale de la Mutualité chrétienne préside aujourd’hui, pour le compte d’un autre parti, le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, est d’ailleurs plutôt un atout pour cet autre parti, Les Engagés, que pour la mutuelle, qui a bien plus de mal à faire valoir ses arguments pendant cette législature que dans de précédentes configurations.
Et puis surtout parce que ces trois faits d’étés exposent comme jamais ces mouvements sociaux historiquement politisés à un pluralisme accru. Ces acteurs sociaux, dès lors, ne se trouvent pas moins politisés qu’auparavant, mais mieux, puisqu’ils substituent le débat à la dépendance.