Nicolas De Decker

Le seul parti libéral du monde qui défend l’indexation automatique des salaires: quand la grève de papa est plus efficace que les actions antifascistes modernes

Nicolas De Decker Journaliste au Vif

La gauche se demande ce qui est le plus efficace, entre la grève et les actions antifascistes. Or, depuis le succès de la manifestation syndicale et l’annonce des trois jours de grève, les libéraux défendent subitement l’indexation automatique des salaires…

Le langage du management a envahi tous nos mondes, conquis celui des plus archaïques militances, et les key performance indicators (KPI) mesurent désormais chacune des activités humaines. Cette invincible culture de l’évaluation impose de tout remettre en question, elle dissèque les skills, elle décortique les assets, fait sortir des zones de confort et oblige à inventer des mondes nouveaux, toujours plus performants que les habitudes éculées. Les mouvements sociaux, divisés depuis longtemps déjà entre les prétendus anciens et les dits nouveaux, ne sont pas étanches à cette loi nouvellement universelle, qui arbitre définitivement la querelle, toujours en faveur des modernes.

Pour redevenir efficaces, les actions de contestation devraient se réinventer. Les anciennes méthodes contestataires, les manifestations sur leurs itinéraires rebattus, et les grèves nationales, sectorielles, tournantes ou générales, sont périmées. Elles ne fonctionnent plus. A droite, les éditorialistes bien-pensants le répètent depuis si longtemps que c’est devenu une vérité établie à gauche aussi, où toujours on se questionne et où parfois on se querelle. Là, les modernes ont surpassé les anciens. Le syndicalisme podagre ne rapporte plus, et le frais antifascisme l’écrase de toute la puissance de ses invincibles KPIs.

Les premiers, les anciens, ont fait défiler 140.000 syndicalistes en chasuble en plastique dans les rues mille fois arpentées d’une Bruxelles lassée, où ils ont scandé leurs slogans élimés. Dans la foulée, et malgré les critiques unanimes de la presse bien-pensante, les syndicats ont décidé d’embrayer avec trois jours de grève à la papa, bien rigide comme il n’en faut soi-disant pas, avec des services publics paralysés et des zonings bouchonnés. Le bilan, pour cette gauche d’antan, peut déjà être tiré.

Parce que les éditoriaux sont âpres, comme toujours, et l’image des syndicats dépréciée. Mais surtout parce que le gouvernement a déjà reculé face à cette roide offensive pèpère. L’Arizona est bloqué comme jamais, depuis la manifestation en front commun syndical du 13 octobre. Le malus pension est retardé. La TVA, pourtant l’impôt que la droite déteste le moins, ne sera pas augmentée. Et le MR est devenu le seul parti libéral du monde à défendre l’indexation automatique des salaires.  

Quant aux seconds, les modernes, ils se gargarisent de leur moderne agilité. Elle les fait interdire, empêcher ou compliquer des conférences du MR, à Liège ou à Saint-Gilles. Ils mobilisent des policiers, jettent des fruits pourris plus neufs, crient des slogans plus inédits, publient des stories plus fraîches.

Mais, notamment à cause des critiques unanimes de la presse bien-pensante, ils ne contrecarrent aucun de leurs adversaires. Au contraire, ils les servent. Car la droite qu’ils contestent n’est jamais aussi hégémonique que lorsqu’elle se victimise pour éviter les explications de fond. Ce qui fait qu’alors qu’elle se modère, devant la mobilisation syndicale, sur les questions socio-économiques, elle se radicalise, devant les actions antifascistes, sur les sujets identitaires. Face à cette nouvelle droite pleurnicharde, ces modernes-là sont ainsi aussi efficaces que ne l’étaient les aînés qu’ils critiquent, à l’époque où ce que ces anciens faisaient ne marchait pas. Une sacrée performance.



 

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