Anne-Sophie Bailly
Le mal-être des jeunes, le mal être du monde
La santé mentale des jeunes n’a jamais été aussi fragile. La jeunesse autant en rupture avec le monde qui l’entoure. Comme dans l’histoire de Sarah, comme dans l’histoire d’un échec collectif.
Bientôt quatre ans. Quatre ans qu’une pandémie mondiale mettait la vie sur pause. Que le corps scientifique et médical tentait de trouver un remède à la maladie, que le monde politique cherchait la parade pour désengorger les hôpitaux et protéger la population. Que la croissance économique s’apprêtait à connaître des ratés. Qu’on rêvait à des lendemains différents, meilleurs, au fameux «monde d’après».
Quatre ans, aussi, que les psychologues, les urgences psychiatriques, le milieu associatif, les services d’aide à la jeunesse mettaient en garde sur les conséquences délétères des confinements et de l’isolement sur la santé mentale des plus jeunes.
Quatre ans plus tard, leurs prédictions sont avérées. Les statistiques ne souffrent aucune contradiction. Si, avant la pandémie, un jeune sur dix était confronté à la dépression, désormais, un sur trois en est victime.
Aujourd’hui, l’actualité internationale anxiogène et violente, le retour de la guerre en Europe, l’écoanxiété renforcent le sentiment d’insécurité de ces jeunes et amplifient les problèmes de santé mentale. Davantage encore, ce sont les conséquences du contexte économique sur leur quotidien qui ont aggravé la tendance. A nouveau, un constat chiffré: l’OCDE pointe que si 42% des jeunes sans difficultés financières risquent de tomber en dépression, ils sont 70% chez les plus précarisés.
Sur le terrain, on ne dit pas autre chose. Les services de psychiatrie infanto-juvénile sont débordés. Jamais autant d’enfants n’ont fugué. Et ceux-ci sont de plus en plus jeunes. Les appels au Centre de prévention du suicide augmentent constamment. Parmi ces appels aussi, une part toujours croissante de jeunes. «Qu’est-ce que cela veut dire, un monde dans lequel des enfants de 12 ans veulent mourir?», interrogeait récemment l’auteur et journaliste Jérôme Colin, dans Les Dragons, qui explore cette souffrance adolescente.
C’est pour attirer l’attention sur cette question fondamentale que Le Vif a consacré un important dossier au manque de moyens des services d’aide à la jeunesse – bien que renforcés au cours de la législature, ils ne suffisent même pas à faire face à l’urgence – et au récit de Sarah, cette jeune femme abîmée, maltraitée et qui, en rupture avec la société, a passé son adolescence dans la rue.
L’histoire de Sarah est celle d’un échec. Celui d’une société dans laquelle des enfants dorment dans des parcs ou des squats. Celui d’un monde dans lequel la jeunesse se sent incomprise, trahie, sans perspectives. Celui d’un système dans lequel la santé mentale n’a jamais été placée qu’en seconde ligne sur la liste des urgences. Malgré les chiffres. Malgré les appels. Pourtant toujours plus nombreux.
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