Anne-Sophie Bailly

Sénat contre IVG: un donnant-donnant, perdant pour les femmes

Anne-Sophie Bailly Rédactrice en chef

Sénat contre IVG. Le marchandage de Paul Magnette pourrait donner l’illusion d’un soutien politique à la cause des femmes. Il n’en est rien.

Il y en a eu d’autres dans l’histoire politique belge. Comme celui de 1993 lorsque le gouvernement Dehaene a pu voter une loi spéciale permettant la décentralisation de certaines compétences fiscales grâce au soutien des écologistes qui y voyaient l’occasion d’introduire des écotaxes dans la législation. Ou comme celui de 2001 lorsque le gouvernement Verhofstadt a pu voter une cinquième réforme de l’Etat grâce au soutien du PSC qui y avait gagné la promesse de financement supplémentaire pour l’enseignement catholique.

Alors pourquoi le marchandage politique de Paul Magnette qui voit dans le soutien socialiste au vote de la loi d’abrogation du Sénat l’occasion d’inscrire dans la Constitution le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) suscite-t-il tant de réserves? Car, après tout, si de nombreuses questions de sauvegarde de la démocratie comme de représentativité sous-tendent le projet de suppression du Sénat, l’institution en tant que telle et dans sa forme actuelle voit son nombre d’aficionados se réduire. Quant à l’inscription de l’IVG dans la Constitution, elle ne trouve que de rares détracteurs en ces temps où les droits des femmes ne cessent de reculer dans de nombreux pays, les Etats-Unis en tête.

Essentiellement, parce que passée sa portée symbolique, l’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution ne fera en rien avancer la cause des femmes d’aujourd’hui. L’extension de la durée autorisée de douze à 18 semaines pour réaliser une IVG ne sera pas actée, le délai de réflexion de six jours entre le moment où la décision est prise et l’acte ne sera ni supprimé ni réduit, la dépénalisation de l’avortement restera partielle. Il n’existe actuellement aucune volonté politique au sein de la majorité en place pour faire avancer le dossier.

Et le donnant-donnant proposé depuis l’opposition par le PS n’y changera rien. Pire, il pourrait donner l’illusion d’un soutien politique à la cause des femmes, d’une avancée sur ce dossier malmené depuis des années.

Or, l’interruption volontaire de grossesse concerne près de 20.000 femmes en Belgique. Les avortements illégaux y représentent encore 10,7% des cas. Et si 15,6% des Belges pensent à raison que l’avortement est encore passible de sanctions pénales, avec peines de prison et amendes, près de 50% d’entre eux pensent à tort que ce n’est plus le cas.

Ça, c’est la réalité des chiffres, la réalité de la situation des femmes. Et elles méritent mieux qu’un marchandage politique, mieux qu’un geste symbolique.

«Le marchandage de Paul Magnette pourrait donner l’illusion d’un soutien politique à la cause des femmes. Il n’en est rien.»

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