Anne-Sophie Bailly

Passage sous franchise chez Delhaize: le choix du client roi

Anne-Sophie Bailly Rédactrice en chef

Le consommateur a choisi. Les harddiscounteurs, le commerce local, l’ecommerce, les ouvertures du dimanche. C’est tout cela que reflète le choix de la franchise par Delhaize.

Le troisième conseil d’entreprise extraordinaire de Delhaize s’est soldé comme les deux précédents. Par un constat d’échec, assorti cette fois de la promesse de nommer un conciliateur social pour amorcer un début de dialogue. Car depuis l’annonce, par la marque au lion, de son intention de faire passer sous franchise 128 supermarchés jusqu’ici intégrés, les points de vue entre la direction et le personnel du groupe semblent inconciliables. D’un côté, un management qui a reçu pour mission de sa direction batave d’améliorer la marge contributive de l’entité belge, la moins rentable de la galaxie Ahold. De l’autre, des travailleurs et des syndicats qui refusent le passage sous franchise et le changement de commission paritaire qu’il implique.

Le conflit social s’annonce dur et probablement long. Davantage qu’en 2007 quand seize magasins ont été franchisés et neuf cents emplois perdus chez GB, qu’en 2010 quand quatorze hypermarchés ont fermé et plus 1 600 postes sont passés à la trappe au sein du même groupe, qu’en 2014 quand Delhaize a procédé au licenciement collectif de 2 500 personnes et fermé quatorze super- marchés, qu’il y a quatre ans quand quatorze points de vente Carrefour sont passés sous franchise Mestdagh…

C’est qu’aujourd’hui cette restructuration, car c’en est une, symbolise à elle seule toutes les difficultés à s’adapter à une nouvelle réalité qu’éprouve un modèle de distribution à bout de souffle.

Cette réalité, ce sont des nouveaux venus qui empiètent sur les plates-bandes des enseignes traditionnelles. Ces Aldi, ces Lidl qui ont séduit une partie des consommateurs par leur offre compacte et financièrement attractive et obligé la concurrence à se lancer dans une guerre des prix dans laquelle même les chaînes positionnées sur le frais ou la qualité ont cédé aux espoirs de chariots plus remplis promis par les 3 + 1 ou les 1 + 1.

Cette réalité, c’est le choix du trafic plutôt que des marges, dans un contexte où la fréquentation des points de vente souffrait déjà de l’essor de l’e-commerce qui a rendu inopérante la vente à prix plancher de gros électro, vélos ou matériel IT pour appâter le chaland et allonger les tickets de caisse.

Cette réalité, ce sont des consommateurs qui, quand ils n’arpentent pas les rayons des hard-discounters ou ne surfent pas sur des sites de vente en ligne, optent pour des circuits courts et des commerces locaux.

Cette réalité, ce sont des clients qui veulent pouvoir faire leurs courses un peu plus tard en semaine ou cherchent un supermarché ouvert le dimanche.

Cette réalité, c’est celle d’un contexte commercial dans lequel le consommateur impose son choix mais dont ni les besoins ni le portefeuille ne sont extensibles.

Cette réalité, c’est aussi celle d’une structure de coûts à laquelle des enseignes comme Delhaize, Carrefour ou Galeria Inno sont confrontées et la charge que représente l’ancienneté d’un personnel fidèle. Un problème qui n’est pas inhérent à la grande distribution mais qui affecte encore davantage un secteur aux marges réduites.

Bref, une réalité qui oblige les supermarchés d’hier à s’adapter. A restructurer. A franchiser.

Proposer d’adapter la législation pour redéfinir le concept d’unité d’exploitation et cadenasser le recours à la franchise ne résoudra rien. Cela ne remplacera pas les paniers par des charrettes dans les files aux caisses, cela ne réduira pas le poids de l’âge dans la composition salariale, cela n’augmentera pas les marges, cela ne freinera pas l’essor de la vente en ligne, ni le retour du commerce local. Au mieux, cela masquera une réalité. Temporairement.

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