Anne-Sophie Bailly

Décret paysage | Des étudiants arrêtés pour deux crédits manquants. C’est absurde

Anne-Sophie Bailly Rédactrice en chef

La logique actuelle du «décret paysage» est défaillante. Il est impératif que le «décret parcours», en gestation, corrige le tir.

«Aujourd’hui, il y a beaucoup d’étudiants qui ont étudié pendant deux, trois, quatre ans et qui, pour un seul cours, vont se retrouver exclus. Vous leur dites que les jurys vont intervenir, etc. Mais pour le moment, ce ne sont pas les signaux qu’on reçoit.» Un extrait de cet échange tendu entre Adam Assaoui et Elisabeth Degryse reflète la persistance des tensions entre le président de la Fédération des étudiants francophones (FEF) et la ministre-présidente de la Fédération Wallonie-Bruxelles qui se sont cristallisées depuis la réforme du «décret paysage» instaurant des règles de finançabilité des étudiants du supérieur particulièrement strictes, en particulier l’obligation de réussir la première année de bachelier en deux ans.

Derrière cette réforme, une volonté –limiter l’hémorragie des finances de la Fédération Wallonie-Bruxelles– et deux logiques –moins d’étudiants = moins de dépenses; plus de pression = plus de réussite. L’important surcoût consécutif à la non-finançabilité obligera de facto certains étudiants à faire une croix sur une formation dans le supérieur, en obligera d’autres à quitter les cursus des universités ou des hautes écoles pour ceux des établissements de promotion sociale. Et donc, par voie de conséquence, accéder à une demande répétée de l’enseignement supérieur de revaloriser le financement par étudiant.

Aujourd’hui, des étudiants sont arrêtés dans leur parcours pour deux crédits manquants. C’est absurde.

Pour autant, un raisonnement logique, surtout s’il guide une action politique, devrait se baser sur des données objectives ou, à tout le moins, recevoir une validation chiffrée. Alors, de combien d’étudiants parle-t-on? Selon la FEF, quelque 70.000, un chiffre décrié par le pouvoir politique, qualifié de surestimé par plusieurs observateurs du monde de l’enseignement et aujourd’hui évalué à plusieurs milliers par les établissements concernés et les étudiants. Autrement dit, une donnée jamais objectivée. Pas plus que ne l’est aujourd’hui l’amélioration du taux de réussite attendue dans le supérieur.

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Ce qui est certain, c’est que depuis la réforme du décret paysage la crainte de l’exclusion monopolise davantage l’attention des étudiants que les objectifs de réussite. Et en ça au moins, la logique actuellement en place est défaillante. Il est donc impératif que le «décret parcours», en gestation, corrige le tir. Qu’il remette à l’avant-plan des préoccupations des jeunes l’objectif «je vais réussir et m’investir dans les études que j’ai choisies» à la place de l’actuel «je dois avoir 60 crédits pour rester finançable». Mais cette énième mouture du décret n’est pas attendue au mieux avant 2027. Or, la rentrée académique est dans quelques jours. Et la réalité est qu’aujourd’hui des étudiants sont arrêtés dans leur parcours pour deux crédits manquants. Illogique. Et absurde.

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