Pierre Havaux

Vent du Nord de Pierre Havaux | Réservée par une mosquée, la piscine n’accepte que les hommes

Pierre Havaux Journaliste au Vif

Au Limbourg, une ASBL liée à une mosquée se réserve certains soirs l’usage exclusif d’une piscine, de quoi permettre à ses membres d’y nager à l’abri de toute présence féminine. Rien d’illégal à cela, assure la commune de Lommel, mais la pratique chiffonne et inquiète le ministre Bart Somers (Open VLD) qui y voit une régression dans la promotion du Vivre-Ensemble dont il a la charge. C’est le mélange des genres qui s’y perd.

ALommel, en terre limbourgeoise, c’est jusqu’à nouvel ordre uniquement hommes admis à la piscine communale De Soeverein, deux soirées par mois en dehors des heures d’ouverture. C’est une asbl liée à une mosquée locale, Al-Furqan, qui régale pour l’occasion en louant les lieux afin que ses membres, en ordre d’abonnement, puissent y faire trempette en toute décontraction. A savoir: en dehors de toute présence féminine, y compris dans la cafétéria dont la baie vitrée autorise les regards indiscrets sur les usagers du bassin revêtus d’un simple maillot de bain. Il s’agit de pouvoir nager dans un cadre islamique, comme l’a fait remarquer un porte-parole de l’association.

C’est tout le contraire d’une société inclusive qui se donne ainsi à voir.

Affaire conclue, sauf décision contraire des autorités communales sous la pression de l’écho médiatique donné à cet accord passé avec le centre sportif. Les avis sollicités auprès d’Unia ou de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes plaident pour une marche arrière, sans qu’il y ait pour autant violation formelle de la loi. Suspense.

Quelle que soit l’issue réservée à ce deal, la pratique qu’elle révèle chagrine fort le ministre flamand en charge du vivre-ensemble, Bart Somers (Open VLD). C’est que Lommel n’en a pas le monopole. Anvers, Gand, Waregem, Evergem, Maasmechelen, Vichte, Anzegem, le ministre égrène les exemples à ne pas suivre selon lui. Chacun ses créneaux horaires, chacun son couloir pour nager en somme, tantôt pour les hommes, tantôt pour les femmes pour lesquelles il est d’ailleurs davantage fait preuve de souplesse et de compréhension en leur offrant l’occasion de faire leurs longueurs entre elles sans avoir de comportements inappropriés à redouter. Cette philosophie «n’est pas du tout ma tasse de thé», fait savoir le ministre libéral. C’est tout le contraire d’une société inclusive qui se donne ainsi à voir, l’inverse d’un modèle où hommes et femmes, jeunes et vieux, filles et garçons doivent pouvoir faire du sport ensemble, jouer ensemble, avoir cours ensemble, s’éclater ensemble.

Que des communes ferment les yeux sur ce cloisonnement des genres inquiète Bart Somers. A fortiori lorsqu’elles prêtent leur concours à cette forme de ségrégation comme dans le cas de Lommel où, pour être de bon compte, une association locale, Femma, se réserve tout autant l’usage exclusif de la même piscine au profit des dames.

Que faire pour contrarier cette évolution sociétale? Rien ou si peu. Bart Somers avoue son impuissance à agir. «Il n’appartient pas au ministre de s’immiscer dans l’équilibre intime des droits fondamentaux.» L’ autonomie locale est chose sacrée, les libertés d’association, de réunion et de religion le sont tout autant. Force doit rester à la loi et, juridiquement parlant, la discrimination ne va pas de soi. Reste à vivre avec les signaux ainsi donnés qui dépassent de loin le registre religieux, convient le ministre. «Organiser une « ladies night » au cinéma ne met pas à mal notre modèle de société mais l’accumulation de telles initiatives lui met la pression. Et je peux comprendre que des femmes veulent faire du fitness sans être fixées par des hommes à la langue pendante.» Même si ce droit à ne pas être importunée n’est pas forcément un progrès pour la société.

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