Pierre Havaux

Vent du Nord de Pierre Havaux: prière d’user du néerlandais à la maison, sinon moins d’allocations ? La piste recalée de Ben Weyts (N-VA)

Pierre Havaux Journaliste au Vif

Le ministre N-VA de l’Enseignement, Ben Weyts, s’inquiète et se désespère: la maîtrise du néerlandais par les écoliers affiche de sérieuses lacunes, avant même l’entrée en primaire. C’est aussi la faute à certains parents qui négligent de parler le néerlandais à la maison avec leurs enfants, diagnostique le ministre. D’où son idée de les sanctionner là où ça doit faire mal, au portefeuille, par une réduction des allocations familiales. Suggestion aussitôt rejetée de toutes parts, y compris par les partenaires de la N-VA au gouvernement flamand, le CD&V et l’Open VLD.

Il ne peut y avoir d’âge pour pratiquer couramment le néerlandais lorsqu’on choisit d’élire domicile en Flandre et, à ce propos, le plus tôt sera le mieux. Ben Weyts (N-VA), ministre de l’Enseignement, se veut intraitable sur la question. Son intransigeance bien connue en la matière peut le mener loin quand il s’agace de constater que sa consigne peine à s’imposer dans son champ d’action ministérielle. Jusqu’à plus de 25% de mioches en délicatesse avec le néerlandais, 14% d’entre eux en besoin d’assistance, et ce avant même de faire leurs premiers pas en primaire: le test Koala de dépistage linguistique désormais de rigueur en troisième maternelle livre des résultats qui augurent bien des parcours scolaires douloureux, en particulier au sein des populations d’origine étrangère dans les grandes villes.

Ce serait là une façon bien trop brutale d’envisager l’intérêt de l’enfant en mettant ses parents à l’amende.

Jamais pourtant l’investissement dans l’intégration linguistique de l’écolier n’a été aussi intense en Flandre, se désole un Ben Weyts bien forcé de constater «que cela ne suffit pas».

Hélas, le maître ne peut pas tout, pour peu qu’il y en ait un qui réponde présent en classe en ces temps de profonde disette de profs. Alors, le ministre a eu vite fait de trouver une source à tant de déboires: les parents, qui peuvent se rendre complices de l’inquiétante défaillance linguistique de leur progéniture. A ceux qui, manifestement, se dérobent ainsi à leurs devoirs, il faut se donner les moyens de leur apprendre ce qu’il peut en coûter de prendre à la légère un niveau approximatif de néerlandais. En les frappant là où ça doit faire mal, au portefeuille, par réduction des allocations familiales ou de l’un ou l’autre coup de pouce financier accordé par les pouvoirs publics.

La carotte, c’est bien, mais le bâton aurait aussi du bon pour favoriser la stimulation: la leçon du professeur Weyts n’a pas du tout porté. Jusqu’au sein de la majorité gouvernementale, les partenaires CD&V et Open VLD de la N-VA lui ont fermé la porte au nez. Ce serait là une façon bien trop brutale et pour tout dire contre-productive d’envisager l’intérêt de l’enfant en mettant ses parents à l’amende. Ce ne serait pas non plus la meilleure manière de rendre le néerlandais sympathique à ceux qui en font l’apprentissage. Plus d’un pédagogue s’est aussi ému de cette intention pour la rejeter sans détours.

Il ne restait donc plus à Ben Weyts qu’à faire marche arrière en évitant l’embardée. Le genre de virage toujours délicat à négocier. Le ministre a donc choisi ses mots pour faire honorable figure devant les élus du peuple flamand. Il en a appelé au droit de pouvoir parler et débattre de tout, et même des devoirs des parents. «Quand ne sont pas tenus les engagements pris, en vertu du règlement scolaire, d’instruire ses enfants en néerlandais, il faut pouvoir agir sur certaines allocations ou par la voie fiscale», mais en tout dernier ressort, dans les cas extrêmes et les plus incorrigibles, cela va de soi. «C’est tout ce que je demande», a dit humblement Ben Weyts en se défendant de songer à lancer des agents d’une inquisition linguistique au domicile de parents fichés comme suspects. C’est fou ce qu’on peut être mal compris quand on se fait mal comprendre.

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