Nicolas De Decker

Pourquoi l’antisémitisme devient tolérable quand il vient de droite flamande en général, et de la N-VA en particulier

Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Deux figures de la droite flamande, dont le ministre-président flamand (N-VA) et Jean-Marie Dedecker, ont posé des actes aux forts relents d’antisémitisme. Sans qu’ils fassent polémique…

Au registre infini des indices de l’immunité de droite qui règne dans notre espace public, deux manifestations caractérisables d’antisémitisme se sont produites, en août, sans qu’aucun leader d’opinion francophone ne s’en émeuve, et sans même qu’en Flandre, la moindre polémique n’éclabousse aucune réputation. Elles auraient pourtant valu une fin de carrière immédiate et méritée, à moins d’excuses, à un mandataire venu d’ailleurs que de la droite nationaliste flamande.

Elles n’ont pas été le fait d’obscurs conseillers communaux bruxellois, elles viennent de deux géants des Flandres, des grands noms de ce qu’on appelle de plus en plus «le parti du Premier ministre» pour ne pas devoir rappeler combien il s’ancre dans le terreau parfois douteux du séparatisme.

Le premier est Jean-Marie Dedecker, député fédéral prétendument indépendant, mais qui a été élu sur une liste N-VA et qui soutient la majorité Arizona. Il est un ami personnel de Theo Francken et de Bart De Wever. Lors de la réunion spéciale de la commission des affaires étrangères sur Gaza, le 14 août, il a développé jusqu’au putride l’analogie entre Israël et l’Allemagne nazie, le premier reproduisant la séparation entre ubermensch et untermensch appliquée par la seconde. Il a assimilé Gaza à Oradour-sur-Glane pour poursuivre, et a conclu sur une «industrie de l’Holocauste» dont profiterait l’Etat hébreu. Quelques jours plus tôt, dans une interview croisée avec le philosophe conservateur Maarten Boudry, vedette des médias flamands, il ajoutait une couche de complotisme en affirmant que le Hamas avait été fondé par Israël, et qu’il était convaincu que Benjamin Netanyahou avait été prévenu des attentats terroristes du 7-octobre, et qu’il les avait laissés se perpétrer car il y avait intérêt.

Le second est le premier flamand, Mathias Diependaele, ministre-président de la plus grande région de Belgique. «Compte tenu de la situation actuelle et des sensibilités relatives aux tensions au Proche-Orient», disait le mail de son cabinet, il a refusé, et c’est une première dans l’histoire de la Flandre, d’envoyer des vœux de Rosh Hahshana aux juifs de Flandre, à travers un média communautaire qui, depuis plus d’un siècle, les sollicite et les publie.

Vous n’avez certainement pas entendu parler de ces événements, car ils n’ont pas agité l’espace public flamand, et encore moins le francophone. Ils n’ont pas suscité de questions parlementaires, ni de tweet rageur, pas plus que d’éditorial outré ou de pétition vengeresse, encore moins de tensions dans les majorités concernées. Même pas dans celle que soutient, avec deux partis francophones, Jean-Marie Dedecker. Toute personne se risquant à demander des précisions, ou pire, des comptes, à ces deux illustres figures de la droite flamande contemporaine, serait immédiatement qualifiée d’hypersensibilité wokiste. A croire que l’antisémitisme le moins ambigu est encore tolérable de nos jours, à la condition nécessaire et suffisante qu’il émane du «parti du Premier ministre».

L’antisémitisme le moins ambigu est encore tolérable, à condition qu’il émane du «parti du premier ministre».

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