Nicolas De Decker

La certaine idée de Nicolas De Decker: le communautarisme des hypocrites (chronique)

Nicolas De Decker Journaliste au Vif

On n’emploie jamais le mot « communautarisme » que pour désigner une communauté précise. Parce qu’on n’ose pas dire que ce sont les musulmans que l’on vise…

Il y a de ces mots, ils sont dits par des gens. Des gens qui disent qu’ils osent dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Mais c’est parce que ceux qui les prononcent, n’osent pas du tout dire tout haut ce qu’ils pensent vraiment. Et parce qu’ils n’ont pas besoin de dire tout haut ce qu’ils pensent vraiment pour que ceux qui pensent comme eux sachent qu’ils pensent comme eux. Ils font croire qu’ils sont courageux, et ceux qui pensent comme eux aussi. Mais en fait, ils sont fort pleutres, parce qu’ils n’osent pas dire ce qu’ils pensent vraiment.

Ainsi de ce mot, « communautarisme ». Fermez les yeux et dites « communautarisme ». Regardez l’image que ça amène à l’intérieur de la tête. Vous avez remarqué?

On ne l’emploie jamais que dans un cas précis. Pour une communauté précise. Parce qu’on n’ose pas dire que ce sont les musulmans qu’on vise. Et même, au fond, les Arabes. Et pas la communauté des Belges ou des Flamands, des Wallons ou des Liégeois, des athées ou des catholiques, des juifs ou des bouddhistes, des Français ou des Néerlandais, des Anglais ou des Polonais.

C’est toujours des mêmes qu’on parle. Sans jamais oser le dire tout en disant qu’on ose le dire.

Ainsi Assita Kanko, parlementaire européenne de la N-VA, qui a dit, l’autre dimanche, sur RTL-TVi, que « le communautarisme était l’assurance vie de la gauche« . Les gens qui pensent que les musulmans ou les Arabes étaient l’assurance vie de la gauche l’en ont beaucoup félicitée. Et ils l’ont trouvée très courageuse sur les réseaux sociaux. C’était pourtant assez lâche.

Parce qu’elle n’a pas osé dire tout haut qu’en fait elle pensait tout bas que c’étaient les musulmans et les Arabes, l’assurance vie de la gauche.

Et c’était surtout très hypocrite.

Parce qu’il y a un parti en Belgique qui dit explicitement défendre les valeurs, la culture et les traditions d’une communauté présentée comme éternelle et intangible. Et que ce parti, c’est le sien, mais que personne n’y pense parce que ce sont les valeurs, la culture et les traditions d’une communauté imaginée comme majoritaire, donc pas musulmane, ni arabe, que ce parti prétend défendre.

« Nous mettons l’accent sur l’esprit communautaire que nous souhaitons concrétiser de manière inclusive. Tout individu peut devenir membre de notre communauté, à condition toutefois qu’il respecte certaines règles de base de notre démocratie ainsi que les normes et valeurs communautaires », écrit d’ailleurs son parti sur son site Internet.

Parce que le communautarisme, en Belgique, il n’est pas vraiment là où on prétend qu’il est.

Et parce que cette communauté imaginée comme majoritaire, celle qu’Assita Kanko et la N-VA passent leur vie à défendre, est minoritaire dans un endroit du pays où, pourtant, elle dispose, grâce aux impôts de tout le monde, de son propre parlement, de son propre gouvernement, de sa propre administration, de ses propres écoles, de ses propres hôpitaux, de ses propres clubs sportifs, de ses propres associations culturelles, et de ses propres messes catholiques.

Cette communauté-là, c’est celle des Flamands en Région de Bruxelles-Capitale.

Elle prouve qu’à la N-VA, ce n’est vraiment pas le communautarisme qu’on déteste.

Mais bien une certaine communauté.

Qui n’est pas la sienne et qui ne vote pas pour elle.

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