Nicolas De Decker

La certaine idée de Nicolas De Decker | Donc ça ne dérange personne, que l’argent public finance des écoles religieuses ?

Nicolas De Decker Journaliste au Vif

La fin possible des cours philosophiques a été saluée comme une victoire par certains défenseurs de la laïcité. Pendant ce temps, l’argent public finance des écoles religieuses qui se donnent pour mission d’évangéliser les enfants, sans que cela ne dérange personne…

Flaubert a écrit quelque part «Pour qu’une chose soit intéressante, il suffit de la regarder longtemps». Il semble de plus en plus qu’une religion en particulier soit éligible à cette destinée, au détriment de certaines autres que la force de l’habitude n’a pas pu rendre intéressantes, ou à tout le moins culturellement et politiquement correctes.

Les réactions récentes, presque triomphales, d’une partie du monde laïque et de certains anticléricaux de pointe, à l’annonciation de la possibilité, encore incertaine, que les cours philosophiques ne soient plus obligatoires dans l’enseignement officiel d’ici à quelques années, semblent en offrir une nouvelle, et divine, bien sûr, révélation.

Car pendant qu’il semble important à certains que certains élèves puissent choisir de ne pas suivre de cours de religion dans l’enseignement public, le fait que l’Etat finance des écoles qui obligent tous leurs élèves à suivre un enseignement religieux ne paraît plus choquant pour ces mêmes certains, pourtant si intransigeants lorsque l’obligation religieuse émane d’autres cultes.

On peut, évidemment, se réjouir que l’argent de la collectivité paie l’école maternelle la plus ordinaire qui soit en Belgique.

Celle d’un village ou d’un quartier, probablement le vôtre, et à coup sûr dans tous les autres, disons l’école libre Saint-Pierre du Spinois, au hasard parmi des milliers: on y trouve la moitié des enfants de Bruxelles et de Wallonie.

Une de celles dont l’explicite projet éducatif «à la lumière de l’Evangile, prône les valeurs chrétiennes telles que le partage, l’écoute, la non-violence, la solidarité et l’entraide» et qui porte ces valeurs «en proposant des temps forts de vie en communauté chrétienne: préparation d’une célébration liturgique, organisation d’une opération de solidarité…», autrement dit, qui impose à des enfants de célébrer la messe, et dont le personnel est rétribué par nos impôts pour ce faire.

Celle qui a toujours été là et qui ne dérange pas ceux qui se posent en laïques de choc.

On a même, bien sûr, le droit de trouver anormal que les écoles secondaires officielles soient mieux financées par les autorités publiques que celles, comme celle de votre ville ou de la ville voisine, disons par exemple l’institut Notre-Dame, celle qui scolarise la moitié des adolescents de notre partie de la Belgique, et qui s’aide d’un messie pour faire sa publicité, lorsqu’elle proclame que sa pédagogie, «en travaillant au bonheur de l’homme et au bien de la société, s’inspire du message, vécu par Jésus-Christ et annoncé par lui comme une Bonne Nouvelle».

Mais alors, il ne faut pas faire semblant d’être un anticlérical intransigeant ou un laïque équidistant avec tous les cultes, réticent à l’intervention de toutes les religions sans exception dans la société des hommes.

Parce qu’en fait, dans ce cas, on est juste comme ces gens qui veulent que les employés des communes de Woluwe-Saint-Pierre, Molenbeek-Saint-Jean, Woluwe-Saint-Lambert, Saint-Gilles, Saint-Josse ou de l’hôpital Saint-Pierre de Bruxelles cessent d’avoir l’air de préférer une confession à une autre.

Et parce qu’en fait, dans ce cas, on est juste politiquement laïque le vendredi, mais culturellement catholique tous les autres jours de la semaine.

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