Juliette Debruxelles

Fini le sexe sous alcool, les jeunes veulent du sexe à jeun

Fini le sexe sous influence, drogue ou alcool. Les jeunes ne veulent plus se mettre en danger et plaident désormais pour le sexe à jeun.

Pendant des décennies, le sexe ludique a été conjugué aux drogues et au rock ’n’ roll. Les plus  exposés au sexe sous substances supposées désinhibantes? Les jeunes, les étudiants, les fêtards, les adeptes des dates avec des inconnus… Fumer pour se lâcher, sniffer pour performer. Sans parler de l’alcool, longtemps vendu comme le meilleur lubrifiant social et sexuel. Sauf que physiologiquement, il agit comme un dépresseur du système nerveux central. Il ralentit tout. Y compris l’érection, la lubrification, l’orgasme. L’excitation est souvent moins intense, la mécanique défaillante. Et ce n’est pas juste une question de quantité. Même à dose modérée, l’alcool peut altérer la qualité des sensations.

Oui, la fête a un coût. Et c’est souvent très cher payé pour un vague corps-à-corps mi-mou.
Face aux mouvements de dénonciation des abus dans les bars, à la prise de conscience du fléau de la soumission chimique, à la libération de la parole de celles et ceux qui ont perdu le contrôle en soirée et après, de plus en plus de jeunes –mais pas que– refusent de se mettre en danger. Pas par puritanisme ni pudibonderie, mais par volonté de ne plus déléguer le plaisir aux abus et à la chimie. Par besoin de ne plus avoir à regretter. Une remise en question du modèle dominant du sexe désinhibé sous substance. Ce que les chercheurs appellent la «consommation sexualisée» –une pratique répandue chez les 18-30 ans selon les données de l’Irefrea ou de l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives– commence à perdre du terrain.

Parce que jouir, c’est se retrouver… et non se perdre.

Une autre voie s’ouvre de plus en plus grand: le sexe sobre. Avec du désir, un dialogue clair, fluide, actif. Un plaisir plus profond, dira-t-on.

Une démarche qui s’incarne dans des pratiques comme le tantra ou la méditation orgasmique. Si le mot «tantra» évoque chez certains des clichés exotiques, il faut y voir une sexualité qui ne se consume pas, mais qui se respire. «Il ne s’agit pas de performance, mais de communion», précise Daniel Odier, maître tantrique occidental. Le sexe tantrique ralentit, il polit la sensation, il invite au voyage intérieur. La méditation orgasmique, née dans les années 2000 en Californie et notamment popularisée par l’écrivaine américaine Nicole Daedone, gagne elle aussi du terrain. Il s’agit d’une stimulation consciente du clitoris (pendant quinze minutes chrono), guidée par la respiration et la pleine attention, pour redonner au plaisir toute sa densité.

Les neurosciences, elles, confirment ce que beaucoup découvrent par l’expérience: la pleine conscience décuplerait le plaisir sexuel. La méditation augmenterait l’activité du cortex préfrontal et renforcerait la connectivité entre les régions liées à la récompense, à l’émotion et à l’attention. Le système dopaminergique –celui du plaisir– deviendrait plus sensible, moins dépendant des stimuli violents (comme une montée sous MDMA, un trip à la kétamine ou un réchauffement au whisky) et plus réactif aux sensations subtiles. Le cerveau profiterait mieux. Et sans gueule de bois, descente, ni vomi à nettoyer.

Alors oui, pour une génération qui a grandi avec les shots en guise de préliminaires, le switch peut être brutal. Mais il est aussi libérateur. Parce que jouir, c’est se retrouver… et non se perdre.

Juliette Debruxelles est éditorialiste et raconteuse d’histoires du temps présent.

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