Joseph Ndwaniye

« Des sentiments contradictoires m’éloignèrent de l’Eglise pendant plusieurs années »

Joseph Ndwaniye Infirmier et écrivain.

Une fois par mois, l’écrivain Joseph Ndwaniye sort sa plume pour Le Vif.

Chaque fin d’année est pour beaucoup l’occasion de réfléchir aux résolutions prises douze mois plus tôt. A quel point les ai-je respectées? Ai-je suffisamment porté attention à mes proches? Il me paraît absurde de se poser ces questions le 24 décembre. Mais comment dresser un bilan?

Enfant, je ne ratais aucune célébration du dimanche et celle de Noël était l’apothéose. Pas de grandes festivités à minuit sur ma colline. Le petit Jésus était accueilli en grande pompe pendant la journée dans le temple paroissial, celui érigé par les pasteurs protestants hollandais. C’était l’occasion d’enfiler notre plus beau vêtement pour honorer Dieu, présent quelque part autour de nous, pour le remercier d’être arrivés au bout de l’année sains et saufs. Autant je rêvais qu’il daigne se montrer à moi un jour au sommet des vieux eucalyptus qui conféraient au temple une aura d’aire sacrée, autant j’appréhendais tout autant ce moment, en tête-à-tête avec Lui, si bon mais seul juge de nos actes.

Seule ma grand-mère paternelle ne participait pas à ce qu’elle appelait «une supercherie des Blancs».

Seule ma grand-mère paternelle ne participait pas à ce qu’elle appelait «une supercherie des Blancs». Sa foi en Imana, le dieu de ses ancêtres, transmise de génération en génération, était restée inébranlable. Tant que j’étais en bas âge, les deux options me convenaient. Je me sentais privilégié d’avoir deux dieux qui veillaient chacun sur leurs ouailles en parfaite harmonie. Mais à l’adolescence me sont venues les questions du «sens» et du «pourquoi» des récits ancestraux et chrétiens, surtout quand j’ai appris que des gens pouvaient tuer en invoquant des arguments d’ordre religieux. Des sentiments contradictoires m’éloignèrent de l’Eglise pendant plusieurs années. Tout comme l’idée de dates récurrentes (anniversaire, Pâques…). Quand vous ne connaissez pas votre date de naissance avec certitude, comment attacher de l’importance à votre anniversaire?

Quand vous ne connaissez pas votre date de naissance avec certitude, comment attacher de l’importance à votre anniversaire?

Je n’ai pas encore trouvé toutes les réponses au «pourquoi» inspiré par les différents récits de fiction qui ont baigné mon enfance: comment les habitants de ma colline ont-ils pu adhérer à ce récit d’un dieu venu d’ailleurs au point de reléguer le leur au second plan?

Cela faisait à peu près dix ans que je n’avais plus remis les pieds dans un endroit de prière. Hasard ou coïncidence, le 24 décembre 2022, j’ai choisi un livre de Nancy Huston, L’Espèce fabulatrice (Actes Sud, 2008), pour accompagner ma journée avant le réveillon. Cette autrice voit les vies humaines, quand on en fait le bilan, comme des récits de fiction sur lesquels elles se construisent. Cela a réveillé en moi les souvenirs des récits religieux écoutés durant mon enfance. A tel point que le lendemain matin, j’ai décidé de me rendre à l’église. Le décor était resté figé dans le temps, l’orgue quelque peu dissonant toujours caché dans son habitacle monumental. Le culte, par contre, fait aujourd’hui la part belle aux chants des chorales et l’assemblée est multiculturelle. J’ai aimé la Sainte Cène, la mie de pain évoquant le corps de Jésus était goûteuse et le vin représentant son sang était agréable, mais le Covid était passé par là, rendant les gestes du partage moins chaleureux. Au lieu de passer le pain à son voisin et de boire à la même coupe, chacun recevait une portion individuelle. Ce fut ma seule frustration. Et pourtant, mon voisin de me dire: «Vous savez monsieur, je m’en fous des religions, je viens pour l’accueil et l’ambiance. Au-dehors, je suis un pauvre vieux. Ici, je suis un enfant de Dieu au milieu de mes frères et sœurs.»

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