Thierry Fiorilli

C’est beau comme un autre opéra

Thierry Fiorilli Journaliste
Thierry Fiorilli © A. DEHEZ

Une centaine d’ados. Direction l’Opéra royal de Wallonie. Rien que ça. Bientôt, l’opéra, ce sont eux qui le joueront…

Un dimanche d’hiver ; 6 h 40, devant la gare, froid et crachin, travaux sur la voie donc navette par bus jusqu’à une autre gare après le chantier, puis train pour Bruxelles puis un autre pour Liège ; là, encore un et arrivée vers 9 h 30 ; retour le soir, après le même gymkhana, comptez que vous êtes chez vous vers 20 heures. Il y a un animateur, une fille et quatre garçons de la maison des jeunes locale. Alors qu’on n’a pas vu un chat dehors, le petit groupe s’en va rejoindre une centaine d’autres grands ados, de plusieurs autres maisons de jeunes wallonnes. A l’Opéra royal de Wallonie (ORW). Rien que ça.

Là, visite des lieux. Les coulisses, les loges des artistes – «avec, comme dans les films, les ampoules tout autour des miroirs, mais emballées de papier alu» –, celle du roi et de la reine («qui viennent pas souvent, la dame a dit»), la grande salle, «trop stylée», la scène… Même une cantatrice, qui a chanté, en vrai, tout le monde autour d’elle, et «c’était superpuissant». On a fait des jeux, aussi, pour se connaître, se mélanger, pour ébaucher un travail collectif. Pour ça qu’il y a eu une petite chorégraphie, sans autre sens, sans autre but que d’amener toutes ces filles et tous ces garçons, venus d’un peu partout, géographiquement, culturellement et socialement, à esquisser les mêmes pas, reproduire les mêmes mouvements, bouger pareil, sauter, fléchir, danser en chœur.

Donner la parole et la scène aux jeunes à partir d’un opéra célèbre. Et leur permettre d’entrevoir une autre vie.

C’était la prise de contact. Première étape d’un long processus dont l’aboutissement sera un opéra joué en public, depuis la grande scène de la grande salle, en mars de l’année prochaine. La centaine de presque adultes réfléchiront, créeront, écriront, répéteront, répéteront et répéteront encore, pour livrer un spectacle équivalant à «une véritable fusion entre pratiques artistiques jeunes et art lyrique», comme résume la FMJ, la fédération des maisons de jeunes en Belgique francophone, coproductrice de l’événement avec l’ORW. Evénement baptisé Un autre opéra. Pour «donner la parole et la scène aux jeunes à partir d’un opéra célèbre».

En 2018, ça avait été Un autre Don Juan. Les jeunettes et jeunots d’alors avaient assisté à l’œuvre originale, à l’Opéra royal. Puis bossé un an et demi, soirs et week-ends, pour réinterpréter l’œuvre de Mozart, la truffer de rap, de beats, de vidéos, de photos, de danses, de chants, réadapter le scénario, imaginer l’éclairage, le décor, les costumes, avec des pros. Un chanteur et une cantatrice lyriques avaient assuré les parties que les novices n’auraient pas pu assumer. Résultat magnifique.

On ne sait pas ce que sera le prochain. Mais on imagine bien que ce sera aussi formidable. Parce qu’on ne se les gèle pas, le dimanche à l’aube, avant trois heures de route et pareil au retour, pour faire une daube sur une scène prestigieuse. Grâce en soit rendue aussi à ces animatrices et animateurs, toujours sous-estimés. Alors qu’ils permettent à des jeunes pas forcément privilégiés d’entrevoir une autre vie que celle à laquelle on les dit prédestinés.

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