Thierry Fiorilli

C’est beau comme la politique qui se danse (chronique)

Thierry Fiorilli Journaliste

Une parenthèse magique dans le tumulte du quotidien, même si, en fait, c’est peut-être elle qui le reflète le plus fidèlement. Durant une heure, ce n’est dès lors pas juste une balade musicale. C’est de la politique qui se danse.

Déjà, la couleur des mots. Bandurria, mandole, duduk, râga, txistu, udu, cavaquinho, quena… Puis, les lieux égrainés. Malawi, Andes, Nouméa, Kabylie, Lagos, Alfama, Nunavut… Et évidemment, les rythmes et les sons, chantés ou joués. Parfois à l’état pur, originel, juste jaillis de leur terre mère, créés aujourd’hui mais sur l’exact modèle d’il y a des siècles ; parfois enlacés à d’autres, nés, eux, dans un espace-temps complètement différent. C’est ce qu’offre une émission radio francophone belge qui n’a aucun équivalent dans nos contrées, un cas unique donc, ouvrant grand les fenêtres à tous les vents, tous les horizons, toutes les racines, tous les frissons de l’humanité et de la planète. C’est tous les soirs de la semaine, de 20 heures à 21 heures. C’est sur La Première. C’est Le Monde est un village. Une parenthèse magique dans le tumulte du quotidien, même si, en fait, c’est peut-être cette parenthèse qui le reflète le plus fidèlement.

En premier de cordée de ces expéditions musicales, depuis près de vingt-cinq ans déjà, Didier Mélon. C’est lui qui indique les trajets, la trame, les carrefours, les quais, les noces, les épices ou les textures. De chansons anciennes et nouvelles. D’enregistrements studio et de concerts. D’artistes de partout venus prester ici ou d’artistes d’ici partis s’inspirer ailleurs. Il y a alors l’accordéon diatonique à Huy et le cajón péruvien. Du rock touareg et du blues gambien. Le gnaoua et la transe. Des trilles coréens et des bourrées québécoises. Les arbres qui parlent et les volcans qui pleurent. Des histoires de quartier et des aventures millénaires. Les exils et les berceaux. Des ivresses et des tempêtes. Les totems et les rivages. Des déserts et des jungles. Le cliquetis de chaînes et les soupirs d’alcôves.

On peut ne pas accrocher à tout, chacun ses envoûtements au fond. Mais dans ce vaste brassage de mélodies du monde, dans cette immense palette d’univers, et d’époques aussi, on distingue l’âme et la science des peuples. On les écoute peindre l’air, celui du temps autant que celui qu’on affiche, celui qui fait la chanson et celui qu’on respire. On entend battre le cœur de la Terre. On regarde les océans rugir ou somnoler. On sent le feu et on boit l’averse.

Durant une heure, défilent ciels de brousse et souffles de villes. Sur des cadences déliées du format grillagé «couplet-refrain-couplet». Dans des langues qui s’envolent, scandent, feulent ou hoquettent. Avec, en fond ou devant, des roulements, des gazouillis, des marées ou des cascades. Avec aussi d’autres échos que ceux des discours, slogans et postures qui nous inondent – quelque chose qui ressemble à des «כדי», «¨c», «\`µ/», «ع», «字`» – mais dont on perçoit tous les sens et qui sont comme autant d’appels à embarquer. A découvrir. A s’immerger. A s’arracher les œillères.

Durant une heure, ce n’est dès lors pas juste une balade musicale. C’est de la politique qui se danse. Des lumières qui se chantent. Et une confiance retrouvée en l’espèce humaine.

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