Thierry Fiorilli

C’est beau comme la garden-party des oiseaux, ce miniréseau social exemplaire

Thierry Fiorilli Journaliste

C’est buffet à volonté au jardin. Et c’est visiblement très apprécié. Il y a foule mais pas la moindre bousculade.

Les petits oiseaux sont tout excités, sautent d’un mets à l’autre, prennent un truc puis détalent avant de revenir pour se goinfrer et de repartir aussi sec, toujours à plusieurs. Les grands observent, l’air d’abord grave, ensuite très affairés à casser la croûte eux aussi. On en voit qui attendent patiemment leur tour, on en remarque qui jaugent un peu à l’écart, pour être sûrs que ça vaut le coup, que c’est bien gratuit, que c’est bien self-service, que c’est bien sans risque. Et quand l’accès est dégagé, ils finissent par se servir, discrètement.

Froid, entre haies et arbres, l’hiver est la meilleure saison pour contempler les manières qu’ont les oiseaux à table. Vous accrochez aux branches des boules de gras dans leur filet vert, des cacahuètes dans leur filet rouge et des graines dans des mangeoires, vous lancez à la volée le vieux pain broyé et vous assistez à des spectacles fascinants. Un petit monde ravi de l’aubaine, sans malotru ni costaud qui dicte la loi et s’enfile les meilleurs morceaux.

Un jour, on a dénombré neuf espèces ripaillant ensemble. Le rouge-gorge (toujours en groupe), le merle (toujours tout seul), la mésange (en famille), la tourterelle (toujours en couple), le pigeon (toujours en duo aussi), la pie (parfois en solo, parfois pas), le choucas des tours (toujours en bande), le moineau (en ordre dispersé) et un autre, marron et plus effilé, qui n’aime pas trop la cohue et qu’on ne connaît pas. Le buffet dressé, ça s’active. Les pigeons depuis haut et loin, pour guetter sans s’exposer. Les moineaux depuis leur planque, dans la haie. Les tourterelles depuis la corniche – elles sont déjà venues mais la cuisine n’était pas encore ouverte. Le merle tourne le dos, depuis chez le voisin, mais il regarde à cornette. Les rouges-gorges ont envoyé un éclaireur, et quand il donne le signal, ça accourt comme les enfants quand la récré commence.

Des petits bedonnants s’empiffrent sur la même boule de gras. Des mésanges se font des politesses devant les cacahuètes puis se gavent, tête en bas. Au sol, les pigeons ramassent les miettes et les graines que les moineaux ont jetées, parce qu’ils trient. Quand les choucas débarquent, blousons noirs dans une fiesta de village, petit moment de flottement mais ok, ils grignotent un truc ou l’autre puis ciao. Les pies rappliquent aussi, pour le pain que le merle et les tourterelles ont laissé. Les rouges-gorges se relaient dans la mangeoire, avec toujours un retardataire, qui becte à côté de l’oiseau inconnu, puisque la masse est partie.

On aura des obèses plein les arbres au printemps mais leur gaieté, leur organisation (toujours quelqu’un qui surveille et alerte si le chat rôde dans le coin ; le chien, ça va, grande gueule mais il attraperait même pas un virus) et leur cohabitation si simple forment un miniréseau social exemplaire. Aux gazouillis juste enchanteurs, celui-là. Quand une année commence, on y décèle comme un bon signe.

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