Ces 8 et 9 mai derniers, se tenait, au Centre international des congrès de Jérusalem, le sommet It’s Time, porté par près de 60 organisations de la société civile palestinienne et israélienne. Le but des 5.000 personnes présentes? Œuvrer pour une paix durable. La députée bruxelloise Loubna Azghoud était du voyage.
Je rentre d’Israël. Un voyage que j’appréhendais tant le contexte est dangereux, tant la pression comme élue bruxelloise est forte et les préjugés nombreux. Et pourtant, je suis rentrée bouleversée, profondément, sincèrement. Subjuguée par la beauté et le message universel de Jérusalem, bousculée par la complexité du terrain, meurtri par la perception tangible de la douleur, éblouie par la force des récits que j’y ai entendus. Mais surtout, je suis rentrée le cœur rempli d’espoir.
J’ai participé au sommet It’s Time, une initiative portée par 60 organisations de la société civile palestinienne et israélienne, j’ai rejoins l’association Women Wage Peace, une ONG de femmes –israéliennes et palestiniennes– qui œuvrent ensemble pour la paix. Les 8 et le 9 mai, plus de 5.000 personnes étaient réunies, j’ai vu des milliers d’hommes et femmes, des mères, des pères, des jeunes, des militantes, parfois anciennes ennemies, réunies par un objectif commun: la paix. Une paix juste, durable, qui respecte la sécurité, les droits et la dignité des Palestiniens et des Israéliens.
Dans un monde de plus en plus polarisé, il est tentant de tomber dans une lecture binaire: les bons contre les méchants, les opprimés contre les oppresseurs. Mais ici, comme ailleurs, tout n’est pas blanc ou noir. Le conflit israélo-palestinien est ancien, enraciné, et ses blessures sont profondes, des deux côtés. En tant qu’Européens, et en tant que Belges, nous devons aborder ce conflit avec humilité. Pas en prétendant détenir la vérité ou en donnant des leçons, mais en tendant l’oreille, en écoutant deux peuples qui portent en eux des douleurs profondes, des traumas historiques, et des récits souvent inconciliables. Ce qui les sépare est paradoxalement aussi ce qu’ils ont en commun: l’attachement viscéral à une terre, le poids de la mémoire, la volonté de préserver leur identité, et le rêve d’un avenir meilleur pour leurs enfants.
«Dans un monde de plus en plus polarisé, il est tentant de tomber dans une lecture binaire.»
Une autre voie existe
J’ai vu sur place des soldats réservistes israéliens refuser de reprendre les armes, et des mères palestiniennes refuser de transmettre la haine à leurs enfants. J’ai vu des rabbins se mobiliser pour transporter des Palestiniens à l’hôpital, j’ai vu des femmes palestiniennes risquer leurs vies car engagées dans un dialogue «avec l’ennemi», j’ai vu des familles endeuillées qui, malgré la douleur, choisissent la réconciliation. J’ai vu de la résilience, de l’amitié, de l’amour malgré tout.
Ce que j’ai ressenti là-bas, c’est la puissance de la société civile. Celle qui, au-delà de l’ horreur, du deuil, des gouvernements et des clivages politiques, fait émerger une troisième voie. Une voie de paix, de responsabilité, de justice. Une voie féminine aussi, qui porte. Une voie lucide, car la paix n’est pas naïve, elle est courageuse.
Oser l’espoir
Ce voyage m’a appris que l’espoir ne nie pas la douleur. Il ne minimise ni les attaques du Hamas, ni les souffrances subies à Gaza. Mais il trace une autre perspective. Il nous dit que le cycle de la violence n’est pas une fatalité. Il rappelle qu’il n’y aura pas de sécurité durable pour Israël sans une solution politique pour la Palestine. Et qu’il n’y aura pas de liberté pour les Palestiniens sans une reconnaissance mutuelle et des garanties pour tous.
Il est temps. It’s time. De reconnaître que la paix ne viendra ni des extrêmes, ni de la force brute, ni des slogans. Elle viendra de celles et ceux qui osent dialoguer, même quand c’est difficile. Qui osent reconnaître l’humanité dans l’autre. Qui osent, tout simplement, croire que la coexistence est possible.
«Il est temps. It’s time. De reconnaître que la paix ne viendra ni des extrêmes, ni de la force brute, ni des slogans.»
Un plan politique pour la paix
Dans cette dynamique, des solutions sont sur la table comme par exemple le plan proposé par Ehud Olmert, ancien Premier ministre israélien, et Nasser al-Kidwa, ancien ministre palestinien. Il repose sur une solution à deux Etats, avec des frontières basées sur celles de 1967 et des ajustements territoriaux. Il prévoit aussi un statut international pour Jérusalem et un corridor entre Gaza et la Cisjordanie. Ce plan est actuellement présenté à la scène internationale par les protagonistes.
Emmanuel Macron a invité la société civile à la conférence de juin que la France présidera avec l’Arabie Saoudite, concernant la reconnaissance de l’Etat palestinien. De son côté, l’Union européenne, par la voix de sa cheffe de la Diplomatie, Kaja Kallas, a annoncé un soutien financier de 18 millions d’euros pour les initiatives de paix menées par la société civile. Ce sont des signaux clairs qu’une solution politique, portée par les peuples et soutenue par les Etats, reste possible.
Construire un avenir commun
En tant que libérale, je crois fermement à la liberté. Et je crois que cette liberté ne peut exister sans la paix, sans la justice, sans le respect de chaque être humain qu’il soit israélien ou palestinien.
Ce sommet ne changera pas le monde. Mais il m’a changée. Et je sais désormais que, à travers les ténèbres, des femmes et des hommes bâtissent la lumière.
Loubna Azghoud
Députée bruxelloise MR
Le titre est de la rédaction. (Titre original: «It’s Time»: au-delà de l’horreur, bâtir des ponts)