Albert Joseph Pénot, Départ pour le sabbat, 1910. © ALAMY

Witches

Il est des ouvrages qui marquent un tournant dans notre compréhension du monde et de nous-mêmes. Paru en septembre 2018, Sorcières – La puissance invaincue des femmes est de ceux-là. On doit cet essai brillant à Mona Chollet, journaliste, qui s’est employée à démontrer, pour un large public, que la figure de la sorcière était en réalité un dangereux fantasme inhérent aux structures patriarcales. L’ autrice a totalement renversé l’imaginaire associé à cette notion en démontrant comment la figure de la femme qui échappe à l’étau du foyer et de la maternité effraie le corps social en ce qu’elle n’est pas soumise à la domination masculine, ni au contrôle des corps qui en résulte. Le tout n’a rien de folklorique dans la mesure où cette paranoïa délirante a engendré une vraie chasse aux sorcières débouchant sur des dizaines de milliers de femmes torturées et exterminées (certains historiens avancent le chiffre de cent mille victimes).

Ce livre a mis le lien entre la sorcellerie et le féminisme sur le devant de la scène culturelle, tant et si bien que l’on ne compte plus le nombre de propositions qui en découlent. Façonnée par ULB Culture avec un comité scientifique multidisciplinaire, l’exposition Witches creuse ce sillon en croisant « les histoires réelles des sorcières et leurs représentations à travers les âges et les arts ». Pour ce faire, plus de quatre cents oeuvres et objets ethnographiques issus des collections d’une cinquantaine de musées et galeries composent un panorama diachronique lumineux. Bien vu, des étudiants de La Cambre ont été associés pour imaginer la scénographie et le graphisme du parcours. C’est très à propos sur des photographies de 1968 donnant à voir des féministes américaines déguisées en sorcières que s’ouvre l’expo, moment clé en ce qu’il témoigne d’une réappropriation positive d’un symbole perçu jusque-là comme rédhibitoire.

Il reste qu’avant ce retournement du stigmate, c’est une histoire de persécutions et d’incompréhensions qui est déroulée à travers des peintures historiques, des documents relatant les procès, des gravures, des extraits de films et autres oeuvres d’arts moderne et contemporain (Louise Bourgeois, Félicien Rops, James Ensor, Evelyne Axell, Kiki Smith…).

A l’Espace Vanderborght, à Bruxelles, jusqu’au 16 janvier.

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