Votre eau : bouteille ou robinet ?

Le Belge est un des plus grands consommateurs d’eau en bouteille au monde. Ses raisons, souvent discutables : il craint l’eau du robinet. Les producteurs, eux, surfent sur la vague d’un marché en hausse

Dans ce supermarché, comme dans les autres, un rayon entier est occupé par des palettes débordant de bouteilles d’eau. Pas moins d’une trentaine de marques s’offrent ainsi au choix des consommateurs. Qui puisent, chaque année, quelque 127 litres d’eau par personne (chiffres de 2001) dans ces rayons. Un record ! Dès qu’on passe la frontière avec les Pays-Bas, ce volume chute à 17 litres. Le Belge est ainsi le cinquième plus grand consommateur d’eau en bouteille du monde, le troisième en Europe.

 » Pour 2003, la consommation devrait encore avoir augmenté, indique Karine Lambert, secrétaire générale de la Fédération royale de l’industrie des eaux et boissons rafraîchissantes (FBIE). En effet, le marché est très dépendant des conditions climatiques. Et le dernier été caniculaire a dopé les ventes. Les producteurs approchaient la rupture de stock.  »

Ce marché a encore de beaux jours devant lui. Et pas seulement si les canicules se répétaient.  » Les problèmes d’obésité influencent les choix des consommateurs. Ceux-ci se détournent des boissons sucrées et préfèrent les eaux « , observe Karine Lambert.

Mais pourquoi une telle soif ? Il existe pourtant une alternative à la bouteille : l’eau de distribution. Remplir un verre au robinet coûte en moyenne 500 fois moins cher qu’en dévissant une bouteille. De plus, elle est disponible en permanence. Les protecteurs de l’environnement la préfèrent : elle n’exige ni transport polluant ni emballages qui viennent remplir les poubelles et les circuits de récupération.

Mais voilà, le robinet n’a pas la cote.  » L’eau a un goût d’eau de Javel !  » estime un consommateur.  » Je me suis habitué à ma marque… « , confie un second.  » C’est plus prudent de boire en bouteille « , ajoute un troisième.

Le réseau éco-consommation et le Crioc (Centre de recherche et d’information des organisations de consommateurs) se sont demandé ce qui motivait ce choix. Ils ont enquêté parmi des ménages wallons et bruxellois.  » Nous avons été très étonnés des résultats ! confie Murielle Piezza, du Crioc. L’étude a démontré que beaucoup d’idées préconçues étaient ancrées dans la population. Les consommateurs sont très méfiants.  »

Goût de chlore, couleur douteuse, présence de calcaire, nitrates…, les accusations foisonnent au procès de l’eau du robinet.  » Pourtant, les distributeurs s’efforcent de proposer une eau potable « , rappelle Christian Legros, directeur de Belgaqua, la fédération belge du secteur de l’eau de distribution.  » Les contrôles sont très sévères. Ils suivent l’évolution des connaissances. Ainsi, la norme maximale autorisée de plomb a encore chuté.  »

Face à cette assurance, la méfiance des gens semble irrationnelle. Muriel Piazza essaie d’expliquer ces préjugés :  » La publicité doit avoir une influence sur les consommateurs. Chaque jour, une personne est soumise à des centaines de messages publicitaires. Bon nombre de personnes se détournent de l’eau du robinet comme eau de boisson, car elle contient du calcaire. Or le calcaire n’a jamais nui à la santé, bien au contraire. Mais les gens font des amalgames. En effet, depuis de nombreuses années, des campagnes publicitaires dénoncent les dangers du calcaire pour les lave-linge. D’où une confusion facile : si c’est mauvais pour la santé de mon lave-linge, c’est mauvais pour la mienne aussi. Et voilà une idée toute faite qui se répand comme une traînée de poudre.  »

A la FBIE, Karine Lambert propose une autre explication.  » Les pays latins ont une grande tradition de minéraliers. Les Romains ont inventé ô l’eau de santé « . Il y a une sorte de culte de l’eau minérale naturelle, dont nous avons hérité : les sources des grands minéraliers sont encore protégées par un périmètre de sécurité.  »

L’argument de la pureté préservée est le meilleur allié des producteurs. Chez Spadel, la société qui embouteille l’eau de Spa, la directrice du marketing, Sophie Rasson, le souligne :  » Nous proposons un produit de la nature, que nous essayons de préserver, de garder le plus fidèle possible. Notre public est donc sensible à la protection de l’environnement. Cela correspond aux tendances actuelles.  » Une image écologique û de  » naturalité « , disent les experts en marketing û qui est constamment soutenue par la publicité. Ainsi, l’eau devient un bien social, porteur de valeurs.

Faut-il le dire, Christian Legros, le directeur de Belgaqua, ne voit pas les choses du même £il :  » Les vendeurs d’eau en bouteille présentent une idée de nature et de pureté. Or leurs produits polluent, à cause des emballages et du transport. Mais, dans le secteur, on n’est plus à une contradiction près…  »

– L’eau du robinet est-elle potable ? Oui, assurent Test-Achats et Belgaqua, la fédération belge du secteur de l’eau. L’eau est régulièrement contrôlée par tous les distributeurs selon des normes fixées par la Commission européenne et l’Organisation mondiale de la santé.

– Pour les nourrissons et les femmes enceintes, Test-Achats conseille une norme maximale de teneur en nitrate plus sévère que la norme européenne. L’organisation des consommateurs recommande donc l’utilisation d’eau en bouteille pour ces personnes.

– Elle a un goût de chlore… Le chlore est utilisé pour désinfecter l’eau. Sa quantité maximale est réglementée. Il n’est donc pas dangereux pour la santé.

– Les conduites en plomb sont-elles dangereuses ? Le plomb peut provoquer une intoxication : le saturnisme. Seules de vieilles constructions possèdent encore des conduites en plomb. Quand l’eau stagne dans les conduites du plomb peut contaminer l’eau. Dans ce cas, il est conseillé de  » rincer  » les conduites, en réservant les premiers litres à un usage non alimentaire. En 2009, plus aucun bâtiment ne devrait posséder des conduites en plomb.

– L’eau chaude est-elle potable ? La composition de l’eau change lorsqu’elle est chauffée. Dès lors, selon Test-Achats,  » l’eau chaude n’a plus la qualité de l’eau potable « . Il est donc recommandé d’utiliser uniquement de l’eau froide pour boire et préparer des boissons chaudes.

– Les appellations  » eau de source  » et  » eau minérales  » sont contrôlées. Toutes deux doivent être mises en bouteille directement à la source, sans subir de traitement. Mais une eau minérale respecte un critère supplémentaire : sa composition, c’est-à-dire les minéraux dissous dans l’eau, doit rester constante au cours du temps.

Julien Fastré

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