Bernard De Vos, délégué général aux droits de l'enfant. © BELGAIMAGE

« Viva for Life met la pauvreté à l’agenda médiatique et donc politique »

Membre du jury Viva for Life, Bernard De Vos, délégué général aux droits de l’enfant, assume sans enthousiasme débordant sa contribution à une opération de collecte de dons à prendre pour ce qu’elle est: un mal nécessaire au secours d’un secteur cruellement désargenté.

Vous serez à nouveau de la partie sous votre casquette de délégué général aux droits de l’enfant. Alors, « vive Viva for Life »?

Viva for Life ne s’est pas créée à cause de moi. Mais en acceptant de présider le comité d’attribution des fonds récoltés, je prête mon nom et mon image à l’opération, j’apporte une garantie de sérieux à une organisation par ailleurs animée par des gens responsables et de qualité. On n’est pas dans le registre de la charité classique, il n’y a pas d’argent directement versé à des personnes en situation de précarité ; il s’agit d’un appel à dons pour soutenir des structures qui leur viennent en aide. Il est évident que ce type de réponse collective ne devrait pas exister dans un monde idéal et je ne suis pas terriblement heureux d’avoir à la présider.

Parce que le côté show médiatique vous dérange?

Il faut rappeler qu’au départ, Viva for Life est une fête annuelle à objectif humanitaire. Evidemment que les gens font le déplacement jusqu’au cube de verre installé à Tournai pour y voir les animateurs et les vedettes invitées. Ma principale critique porte sur l’étalage de cas individuels de pauvreté sur le plateau. J’encourage à ne pas exploiter ce côté larmoyant, mais c’est la loi du genre et je me réjouis de voir le « pleurnichage » de moins en moins présent au fil des ans. Mais je ne vais pas tirer à boulets rouges sur une formule dont je soutiens le principe.

Elle a donc toute sa place dans le combat contre la pauvreté infantile?

Le tout est de ne pas mentir sur la nature de l’opération. Viva for Life ne va pas « sortir les enfants de la pauvreté » mais est là pour encourager des projets associatifs qui viennent en aide à des familles. Et je peux vous assurer que ce soutien est très apprécié car, pour certains de ces acteurs, c’est ça ou mettre la clé sous le paillasson. Sept millions (NDLR: 7 061 534 euros en 2020) récoltés au profit du secteur de la petite enfance, c’est énorme, à comparer aux cinq millions que la Fédération Wallonie-Bruxelles a débloqués pour le revaloriser. Cette collecte d’argent est un ballon d’oxygène donné à un secteur largement sous-financé. Bien sûr, on connaît les recettes qu’il faudrait appliquer pour sortir de la pauvreté: augmenter le revenu minimum garanti, les allocations de remplacement, individualiser les droits. Mais en attendant, on fait quoi? La blessure est là, faut-il la laisser suinter?

J’encourage u0026#xE0; ne pas exploiter ce cu0026#xF4;tu0026#xE9; larmoyant et je me ru0026#xE9;jouis de le voir de moins en moins pru0026#xE9;sent.

Tout le monde n’apprécie pas la démarche, assimilée à une instrumentalisation de la pauvreté…

Je comprends ceux qui critiquent ce type d’opération, quoique certains ne refusent tout de même pas l’opportunité de saisir cette tribune qui permet, au moins durant une semaine, de parler de pauvreté infantile. Mais prétendre que la démarche est contre-productive n’est pas correct. « Un enfant sur quatre vit dans la pauvreté »: à force d’être martelé, le message de Viva for Life percole. Il faut atteindre une masse critique citoyenne suffisamment informée pour pouvoir peser sur l’agenda politique. Je crois à cet effet stimulant, notamment au travers du cofinancement par les pouvoirs publics des projets soutenus. L’argent des dons n’est pas versé de manière inconsidérée, le lien avec le secteur de la petite enfance, comme l’ONE, est permanent. Si du pognon est récolté au service d’un enjeu de société mis à l’agenda médiatique et qui, grâce à cela, s’invite de plus en plus dans l’agenda politique, pourquoi s’en priver? Un changement de la société ne s’accomplit pas avec seulement quelques intellectuels. A chaque coup d’envoi de l’opération, devant le cube de verre que je n’intègre d’ailleurs jamais, je dis et je répète ce que je vous dis ici. La pauvreté n’est ni un handicap ni une maladie mais la conséquence de mauvaises politiques publiques.

Ce qui ne dispense pas les pouvoirs publics d’être aussi de la fête en contribuant à alimenter eux-mêmes la cagnotte…

C’est vrai et la remise des chèques par des responsables politiques est détestable, pour ne pas dire scandaleuse et par ailleurs, selon moi, contre-productive. Je décourage donc cette pratique et je ne peux qu’inviter les ministres à comprendre ce message.

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