Villepin De la coupe aux lèvres

Vouloir se présenter à l’élection présidentielle est une chose, être candidat en est une autre. L’ancien Premier ministre est bien placé pour le savoir.

A trop vouloir attendre, on finit par arriver trop tard.  » Foi de Villepin. C’est clair, il a choisi d’être candidat à la présidence de la République. Nous sommes le 6 septembre… 2006. Le Premier ministre de l’époque reçoit, dans le pavillon de musique situé au fond du parc de Matignon, Jean-Louis Debré pour un déjeuner en tête à tête.  » Il m’explique qu’il a beaucoup réfléchi pendant l’été, qu’il ne peut en conscience laisser la France être dirigée par Nicolas Sarkozy, qui est, pour lui, tout sauf un homme d’Etat « , confiera, après coup, l’ancien président de l’Assemblée nationale. Ce jour-là, une question, et une seule, préoccupe Villepin : à quel moment doit-il annoncer sa candidature ?

Deux mois ont passé et il n’a pas changé d’avis.  » Maintenant, il faut y aller, et vite !  » lance-t-il devant des proches, en novembre 2006. Il se dit prêt à abandonner sa fonction de chef de gouvernement. Le 21, il prévient un élu :  » J’ai l’intention d’y aller, de démissionner de Matignon, car je pense que Chirac n’est pas capable de résister à Sarkozy.  » Au printemps, juste après l’épisode du contrat première embauche (CPE), un député parmi ses fidèles lui avait rendu visite, un dimanche :  » Tu dois exiger de Jacques Chirac une expérimentation du CPE quelque part. Et s’il refuse, démissionne ! Tu seras celui qu’on a empêché de réformer.  » Villepin dit avoir hésité. Il resta Premier ministre jusqu’au dernier jour et ne se présenta pas.

Il n’est pas si facile, dans le système de la Ve République, d’être candidat à la présidentielle sans le soutien d’une formation politique, quelles que soient ses envies. Aujourd’hui, Dominique de Villepin dispose d’un club qui peut se transformer en parti. Mais l’absence de moyens handicape lourdement l’ancien Premier ministre.

L’intendance n’est pas la seule à devoir suivre. Les interrogations portent aussi sur son aptitude à mettre les mains dans le cambouis politique et sur sa capacité de passer de l’intention à la réalisation, du verbe à l’action.  » Tout a changé par rapport à 2006-2007, veut croire François Goulard, proche de l’ex-chef du gouvernement. Sur un plan personnel, il a été humilié par le procès et sait qu’il ne peut rien attendre de Sarkozy. Et il dispose d’un espace, ce qui n’était pas le cas la dernière fois : il existe beaucoup de déçus du sarkozysme, François Bayrou est durablement, peut-être même définitivement, affaibli.  » Conclusion du député UMP du Morbihan :  » Il y a 95 % de chances qu’il soit candidat. « 

Nicolas Sarkozy a toujours considéré comme essentiel le score du premier tour. Sa performance en 2007 repose davantage sur les 11,45 millions de voix du 22 avril que sur les 18,98 millions du 7 mai.  » Avec 30 % des voix, on est le patron de son camp. Le chef de l’Etat tentera tout pour dissuader le moindre candidat de la majorité ayant des velléités « , analyse Jean-Pierre Raffarin. Dans La Verticale du fou (Flammarion), une enquête qui s’apparente à un voyage mouvementé dans la tête de Villepin, la journaliste Anna Cabana rapporte un propos du publicitaire Jacques Séguéla à son ami le président :  » Il sera ton Chevènement !  » En 2002, la candidature de l’ancien ministre de l’Intérieur avait abouti à un résultat modeste (5,3 %), mais suffisant pour torpiller celle de Lionel Jospin. En prévision de 2012, Nicolas Sarkozy a convaincu Philippe de Villiers de le soutenir – le Vendéen était le seul dissident de droite il y a trois ans. Si Dominique de Villepin constitue un danger, que lui proposera Nicolas Sarkozy ? Les deux hommes ont déjà travaillé ensemble, entre 2005 et 2007. L’un et l’autre connaissaient alors l’affaire Clearstream.

E. M.

 » Il y a 95 % de chances qu’il soit candidat « , veut croire un proche

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