Vents nouveaux

Le renouvellement probable d’une grande partie des dirigeants politiques israéliens et palestiniens laisse espérer une reprise du processus de paix après les élections organisées au début de 2006

De notre correspondant à Tel-Aviv

Nous assistons à une redistribution des cartes. Tout change chez les Israéliens comme chez les Palestiniens. D’ici quelques mois, l’espoir sera peut-être de nouveau possible.  » De passage à Jérusalem au début de la semaine, le commissaire européen Louis Michel qualifiait de la sorte la révolution qui secoue depuis quelques semaines les élites de Jérusalem et de Ramallah.

En effet, rompant avec l’autocratie de rigueur lorsque Yasser Arafat assurait son leadership, le Fatah (le plus puissant parti palestinien) organise actuellement des élections primaires destinées à désigner ses candidats au scrutin législatif du 25 janvier prochain. En Cisjordanie d’abord (463 000 militants du Fatah), puis à Jérusalem-Est (25 000 militants) ainsi que dans la bande de Gaza (200 000 membres).

Un progrès ? Sans doute, mais les tensions au sein du Fatah sont tellement importantes que rien ne se déroule comme prévu. Dans les villes de Cisjordanie – y compris à Jérusalem -, les caciques du parti ont été éliminés par de jeunes loups désireux d’accéder aux postes à responsabilités. Marwan Barghouti, le leader de l’Intifada qui faisait campagne à partir de sa prison israélienne, ainsi que la plupart de ses amis ont damé le pion aux  » Tunisiens « , ces dirigeants historiques du Fatah qui avaient suivi Arafat en exil, à Tunis, au début des années 1980. Ils occuperont donc les meilleures places sur les listes et se profilent dès lors comme les futurs dirigeants de l’Autorité palestinienne (AP).

Certes, à Gaza, les  » primaires  » ont été interrompues en raison de fraudes et de pressions exercées par les milices armées dépendant de tel ou tel candidat. Mais les premiers résultats montrent que la tendance de fond est également au changement.  » Si le Fatah parvient à achever sa révolution intérieure, il fera sans doute meilleure figure face au Hamas le 25 janvier prochain, estime le chroniqueur Slimane Al Chafi. Contrairement aux caciques, la majorité de ces nouveaux dirigeants ne sont pas corrompus. En outre, ils ont participé à l’Intifada, ce qui leur confère une légitimité que les  » Tunisiens  » n’ont pas.  »

Condamné par un tribunal de Tel-Aviv à cinq fois la prison à vie plus quarante ans pour sa participation à une série d’attentats (6 morts), Barghouti est encore considéré par les responsables de l’Etat hébreu comme un  » dangereux terroriste ayant du sang sur les mains « . Mais les commentateurs estiment que tout va changer après la tenue des élections législatives israéliennes du 28 mars 2006.

Car le vent du renouveau souffle également sur l’Etat hébreu. Secouées par l’élection du syndicaliste de gauche Amir Peretz à la tête de l’Avoda (parti travailliste), puis par le départ d’Ariel Sharon du Likoud, la plupart des figures importantes de la scène politique israélienne ont en effet commencé à se repositionner. Bon nombre d’entre elles – dont Shimon Peres – ont rejoint les rangs de Kadima (En avant), le nouveau parti de centre de droite créé par Sharon. Mais d’autres, parmi lesquels des universitaires de renom, des vedettes de la chanson et des journalistes connus, se sont enrôlés chez les travaillistes.

 » Les choses bougent et on s’oriente peut-être vers la constitution d’une coalition de centre gauche ouverte à la reprise de négociations de fond avec les Palestiniens, explique le chroniqueur politique israélien Yoav Krakovsky.  » Si les sondages accordant de bons résultats à Kadima et à l’Avoda le 28 mars prochain se confirment, personne ne serait étonné de voir les deux partis signer un accord de gouvernement. Et personne ne serait surpris non plus d’apprendre que Sharon entamerait des négociations de fond avec la nouvelle direction palestinienne issue des élections du 25 janvier. Ce n’est pas un hasard si l’entourage du Premier ministre israélien évoque déjà à mots couverts l’évacuation d’une partie importante de la Cisjordanie.  »

Serge Dumont

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