Pierre Havaux

Vent du Nord de Pierre Havaux : Zelzate-la-rouge, où l’on taxe la multinationale pour soulager le boucher du coin (chronique)

Pierre Havaux Journaliste au Vif

Avoir le coeur politiquement plus à gauche qu’à Zelzate, cela n’existe pas en Flandre. La majorité inédite Vooruit-PVDA (PTB) y met à contribution les grosses entreprises implantées sur son territoire pour alléger les taxes locales des indépendants, PME et ménages de la commune. Interpellé par le patronat, le Conseil d’Etat ne s’y oppose pas. Voie à suivre ?

Zelzate? A gauche toute. La combinaison Vooruit-PVDA aux affaires depuis 2018 dans cette commune de 12 000 habitants, voisine de Gand, tenait à prouver à la face d’une Flandre globalement droitière que faire payer les plus nantis pour soulager les moins bien lotis n’y est pas un slogan creux. Que de ce labo unique en son genre dans le paysage communal flamand pouvait émerger une politique de gauche-gauche qui ne soit pas inconcevable, intolérable ni même irresponsable.

Par ici les liards. Depuis 2020, une trentaine de grandes entreprises implantées sur son territoire doivent payer tribut au motif que leur surface excède 5 000 mètres carrés. Elles s’acquittent au total, chaque année, de 487 000 euros d’impôt supplémentaire au nom de la charge environnementale à assumer par les finances communales. De quoi éviter que la collecte des déchets ne devienne trop coûteuse. De quoi baisser de cent euros les taxes communales de six cents petits indépendants et PME. De quoi, enfin, réduire de moitié la taxe environnementale (de 55 à 27,50 euros) pour tous les ménages, avant de la faire totalement disparaître en 2024.

C’est pas sympa, ça? C’est pas juste, s’est ému le patronat, soutenu par le Voka, le réseau flamand d’entreprises. Certaines des grosses boîtes ainsi frappées au portefeuille se sont plaintes de ce traitement fiscal taxé d’inéquitable auprès du Conseil d’Etat lequel, fin juin, ne leur a pas donné raison. La plus haute juridiction administrative du pays n’a pas désapprouvé le «tax-shift équitable» à la zelzatoise. Non pas qu’elle se soit prononcée sur le fond de la mesure, mais en jugeant que la partie plaignante avait manqué d’implication dans la procédure et s’en était, de facto, distanciée.

Même pas mal. Avec l’équivalent de 0,09% des bénéfices affaiblis par ce prélèvement fiscal spécial, pas de quoi mettre une multinationale sur le flanc. Ni décider le grand capital à faire ses valises pour fuir au plus vite cet îlot communisant. Encore moins faire craindre un effet contagion dans une Flandre qui, ailleurs qu’à Zelzate, ne goûte pas à ce genre d’alliance toute de gauche vêtue. Steven De Vuyst (PVDA/PTB), échevin de l’environnement à Zelzate, aime à rappeler que ce transfert fiscal, somme toute fort raisonnable, n’a jusqu’ici pas fait déménager les entreprises concernées mais qu’«en période de crise, il fait une fameuse différence dans la vie de beaucoup de gens. C’est une question de bonne gouvernance de gauche». Faire cracher un peu plus au bassinet la multinationale que le boucher du coin, bonjour le geste fort.

Faire cracher un peu plus au bassinet la multinationale que le boucher du coin, bonjour le geste fort.

Le PVDA/PTB n’a pas eu le triomphe modeste, en apprenant la nouvelle de sa victoire. Steven De Vuyst, également député fédéral, l’a portée jusqu’au Parlement, pour le simple plaisir de la soumettre à l’appréciation du ministre fédéral des Finances en l’invitant, juste pour rire, à y trouver une source d’inspiration pour le bonheur du plus grand nombre. Ledit ministre, Vincent Van Peteghem (CD&V), n’a pu éluder la question, tout en la confinant au registre de l’autonomie locale. «Quoi qu’il en soit, je peux vous dire que vous trouverez toujours dans ce gouvernement un partenaire pour imposer les justes charges sur les bonnes épaules», s’est aventuré le ministre. PTB-Vivaldi, même combat: Houlà!

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