Une vie en partage
Agnès Varda se souvient. et nous émerveille, avec des Plages d’Agnès, où l’amour du cinéma et l’amour tout court vibrent à l’unisson d’une vie bien remplie. Elle a reçu le César 2009 du meilleur documentaire.
Vingt ans, elle les a quatre fois ! Et jamais peut-être son cinéma n’a été, à ce point, comme une invitation au bonheur partagé. Agnès Varda nous offre avec Les Plages d’Agnès un de ses tout meilleurs films, et sans aucun doute celui où l’émotion, le plaisir circulent le plus librement. Une émotion et un plaisir communicatifs en diable, car la grâce de Varda, son talent d’artiste et d’être humain, c’est sa capacité d’ouvrir son £uvre à toutes et à tous. Certes Les Plages d’Agnès raconte sa vie à elle, de l’enfance passée à côté des étangs d’Ixelles à ses derniers travaux cinématographiques (ou pas : elle expose aussi de magnifiques installations), en passant par le Théâtre national populaire de Jean Vilar, la rencontre de Jacques Demy, leur amour abrégé par la maladie et la mort du cinéaste des Parapluies de Cherbourg. Sans oublier les enfants, les films de fiction, les documentaires, et ces plages cadrées comme des paysages intérieurs. Mais la réalisatrice de Jacquot de Nantes et des Glaneurs et la Glaneuse sait tellement bien regarder les autres, et s’adresser à eux, que » chacun et chacune me dit trouver dans le film quelque chose de sa propre existence « , s’émerveille elle-même Agnès.
» Comme beaucoup de » vieux », j’ai de temps en temps des problèmes de mémoire, alors dans la démarche des Plages d’Agnès il y a comme le désir de fixer un certain nombre de souvenirs qui désormais sont « là », pour moi et pour ceux qui verront le filmà « , commente Varda qui dit s’être » allégée en réalisant ce film, y avoir déposé des bagages, parce quand on vieillit et qu’on va vers la mort, on essaie de ne pas voyager avec des malles et des paquetsà « . Rien de morbide, pourtant, dans le discours ou dans le film de celle qui aime rappeler qu’elle fut autodidacte, et quelle » chance » fut la sienne de » découvrir de ce fait les choses dans le plus grand désordre, au fil des rencontres, ce qui crée une liberté d’esprit qui vous reste ensuite « .
» Mon film est certes un autoportrait, sourit la réalisatrice, mais souvenez-vous que, pour les peintres, l’outil indispensable pour en faire un était le miroir. J’ai donc pris moi aussi un miroir, mais je l’ai tourné vers les gens ! Je suis beaucoup dans le film, mais on y apprend aussi beaucoup de choses sur les autres, qu’ils soient connus comme Jim Morrison ou inconnus comme ma boulangèreà qui était une amoureuse formidable ! Il n’y a pas les gens importants et les autres, comme il n’y a pas des moments de la vie qui sont remarquables et d’autres qui sont nuls. Tout est intéressant ! » Agnès Varda entend célébrer » ces petits moments, ces rêveries que nous avons tous et qui nous mènent vers nos paysages intérieursà « . De son film, elle déclare encore » qu’on peut y entrer par une porte, ou par une fenêtre,l’explorer à la manière des chatsà « . Ceux et celles qui feront la visite, qui iront habiter chez Agnès le temps d’un long-métrage admirable, y trouveront plus d’un trésor. Comme ces images tiréesde la vie commune avec Jacques Demy, » cet accordde deux solitudes » qu’accueillirent si bien les plages de Noirmoutier-en-l’Isle,et qui nous touche plus qu’on ne saurait le dire.
Lire la critique du film dans Focus-Vif, page 29.
Louis Danvers
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