La révolte des gilets jaunes: de la "désobéissance servile"? © BELGA IMAGE

Une servitude désirée

« La liberté a changé de sens ; elle ne rime plus avec responsabilité, volonté et gaieté, pas plus qu’avec égalité et fraternité ; ses compagnons de route sont sécurité, autorité, puérilité », avance l’économiste Pierre Bentata dans De l’esprit de servitude au XXIe siècle (1). La liberté n’a pas tout à fait disparu, poursuit-il, « mais elle s’est fait l’alibi d’une pression paternaliste et infantilisante qui vise à encadrer les moindres faits et gestes de chacun, au nom d’un illusoire bien commun ». Pour l’auteur, cet amenuisement de notre espace de liberté n’est pas contraint. Il est consenti et même réclamé. Comment l’expliquer? « L’enrichissement des sociétés et la complexité des interactions individuelles ont rendu le bipède occidental plus craintif, plus attentif à son bien-être. Chose évidente et instinctive: ayant plus à risquer, aussi bien en années de vie qu’en biens matériels, il a désiré davantage de sécurité. » Plus de sécurité implique, selon Pierre Bentata, « plus d’Etat, plus d’interventions, plus de contrôle et toujours moins de liberté ». Ce verdict pourrait surprendre de la part d’un essayiste au pays des gilets jaunes. Au contraire, l’économiste y voit une confirmation de sa thèse car l’action de ceux-ci se résume pour lui à de la « désobéissance servile », à savoir une « attitude puérile qui consiste à ne désobéir que dans les limites définies par l’autorité et qu’à la condition qu’il en résulte un surcroît d’intervention publique ». Pour Pierre Bentata, le salut passe par l’essor du « libéralisme tragique » qui se contente de laisser à chacun le soin de vivre sa vie et par « une réhabilitation de la liberté en tant que fin ultime de toute existence et clé de voûte de toute société ».

Une servitude désirée

(1) De l’esprit de servitude au XXIe siècle, par Pierre Bentata, L’Observatoire, 188 p.

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