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Une sacrée paire d’artistesses

« Non, non, pas de photo !  » Le garde accourt, fait rengainer les smartphones. Volonté de l’artiste. Les jambes grandes écartées et la vulve du modèle, répliqué en trois exemplaires, sont exclusivement réservées au regard des visiteurs, pas à leurs caméras. Qui peuvent, en revanche, immortaliser quantité d’autres détails anatomiques intimes : c’est pas ce qui manque, à l’expo Hyperrealism Sculpture de la Boverie, à Liège (programmée jusqu’au 3 mai prochain mais pour l’instant suspendue, les musées étant fermés jusqu’à nouvel ordre). Des seins, des lèvres, des vagins. Et les pénis, alors ? Quelque part dans un coin, déformés à en devenir méconnaissables. Puis par-là, brouillés derrière une vitre opaque. Visite terminée. Voyeurs en quête de chair masculine, faudra repasser.

Muses, modèles, sources d’inspiration : le monde des arts les aime comme ça. Moins comme peintresses, sculptrices, dessinatrices.

Bienvenue au(x) musée(s) !  » Moins de 5 % des artistes dans la section arts modernes [du MET] sont des femmes, mais 85 % des nus sont féminins « , placardaient les activistes à la tête de gorille Guerilla Girls dans les rues de New York en 1989. Liège, 2020, même combat. Sept femmes sur les 33 artistes exposés. Et encore, deux d’entre elles officient en binôme mixte.

Muses, modèles, sources d’inspiration : le monde des arts les aime comme ça. Moins comme peintresses, sculptrices, dessinatrices. Un maître – > une maîtresse. Encore un mot qui se féminise moyennement bien. Bien érudit qui pourrait en citer, comme ça, cinq, dix, quinze maestra. Un galeriste américain en avait cherché, lui aussi, en 1970, lui qui s’était piqué d’organiser une exposition paritaire. Des oeuvres masculines remarquables : pléthore. Des féminines : aucune assez majeure à son estime. Il s’en était plaint à son amie, l’historienne de l’art Linda Nochlin, qui lui avait répondu en rédigeant un article au retentissement mondial, titré  » Pourquoi n’y a-t-il pas eu de grandes artistes femmes ?  »

Une sacrée paire d'artistesses

Des artistesses (néologisme personnel), il y en a eu, mon bon monsieur ! Pas des masses. Non qu’elles étaient incapables de manier le pinceau. Certaines exposaient… en empruntant le nom de leur mari. Quelques-unes en gagnaient leur croûte, sans pouvoir récolter les honneurs des salons et musées. Car ceux-là étaient mâlement dirigés, évidemment. Depuis la Renaissance, comme l’avait épinglé Linda Nochlin, le monde des arts était ainsi structuré qu’il empêchait les femmes de prétendre jouer dans la même cour que leurs homologues masculins. Parce qu’elles n’étaient pas libres, ne fût-ce que de s’inspirer.  » Ce que j’attends avec impatience, écrivait la peintresse ukrainienne Marie Bashkirtseff dans son journal, c’est la liberté de circuler seule, d’aller et de venir […] ; la liberté sans laquelle on ne peut devenir une véritable artiste.  »

Comprendre le passé ne permettra quand même plus de le changer. Comprendre le passé devrait par contre obliger à ne plus l’ignorer. A ne plus monter des expositions où à peine 20 % des artistes sont des femmes. Car il y en a des masses, désormais. Les écoles d’art en débordent, pourtant les lieux de prestige en tarissent. Aucun musée ne pérore, à la question du pourcentage d’oeuvres féminines possédées. Peu, trop peu. Même dans les sections d’art moderne et contemporain. Ne plus ignorer le passé, c’est par exemple ne plus acquérir que des oeuvres féminines, pour rééquilibrer, comme l’a annoncé le musée de Baltimore, qui n’en compte pour l’instant que 4 %. Pas besoin de courir aux Etats-Unis : le BPS22, à Charleroi, le fait déjà depuis 2017. Le Musée Fin-de-Siècle des Musées royaux des beaux-arts de Belgique organisait, quant à lui, une exposition sur les femmes artistes. Visible jusqu’au 7 juin prochain (mais actuellement suspendue, elle aussi), du moins si le coronavirus dure moins longtemps que le patriarcat.

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C’est pas gagné

C’était la blague du moment, au lendemain de l’annonce des restrictions dues au coronavirus.  » Ça fait à peine cinq mois qu’on a une femme Premier ministre en Belgique et on ne peut déjà plus aller ni au café ni au foot « , avait cru bon de poster un internaute, surfant sur la vague – très en vogue sur les réseaux sociaux – de la blague sexiste. LOL. Et on dit Première ministre, déjà.

Une sacrée paire d'artistesses
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200 000

euros ont été offerts par la créatrice italienne Donatella Versace et sa fille, Allegra Versace Beck, au département de soins intensifs de l’hôpital San Raffaele, à Milan. Un don destiné à lutter contre le coronavirus et rendre hommage aux équipes médicales  » qui ont travaillé héroïquement en continu ces dernières semaines pour prendre soin des gens que nous aimons.  » Un geste à imiter, messieurs qui vous précipitiez pour reconstruire Notre-Dame à coups de millions ?

L’allié

 » Toutes les grandes héroïnes de l’environnement sont des femmes.  » C’est Yann Arthus-Bertrand qui l’a dit. Dans une interview au Figaro, début mars. Le photographe cite l’éthologue Jane Goodall, la protectrice des grands singes Dian Fossey, la biologiste Rachel Carson… Puis Greta Thunberg qui, confie-t-il, l’a convaincu de ne plus prendre l’avion.  » Ce que j’aurais dû faire depuis longtemps.  » Le réalisateur, qui vient de sortir Woman, un nouveau documentaire sur les femmes à travers le monde, affirme aussi que c’est son précédent film, Home, qui incita l’activiste suédoise à entamer ses grèves pour le climat. Gare au mansplaining, Yann, quand même.

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