Une photo qui mobilise

Cette image occupait l’espace  » La photo de la semaine  » dans notre édition du 5 mars dernier. Nous l’avions choisie pour évoquer les terribles attentats qui ont endeuillé la communauté chiite d’Irak, le mardi 2 mars. Elle nous semblait de nature à illustrer à sa juste mesure la réalité d’un pays que les événements survenus depuis un an conduisent à la guerre civile. Certains de nos lecteurs ont désapprouvé la publication de cette photo, qu’ils considèrent comme trop violente. Nous regrettons sincèrement d’avoir heurté leur sensibilité. Jacques GeversDans les réactions de deux lecteurs choqués par la photo, le premier écrit qu’il n’a pas besoin de ce genre d’images pour ressentir la souffrance des gens, le second pense qu’il n’est pas besoin de montrer ce dont l’homme est capable. Ces lecteurs savent cela… abstraitement. Ils ne veulent pas que l’on concrétise tant soit peu la réalité, car cela égratigne leur sensibilité. (…) Je pense que de telles photos devraient circuler partout dans le monde et s’afficher surtout là où se façonnent les croyances, en particulier les lieux de culte et les lycées. Si tous les Américains voyaient plus souvent pareilles photos, Bush ne pourrait pas si facilement mobiliser son pays pour la guerre. Si tous les islamistes méditaient sur cette photo, il y aurait probablement moins de candidats à se faire exploser pour tuer, crever des yeux, déchiqueter des femmes et des hommes innocents. En voyant cette photo, ma réaction a été :  » Le fanatisme soulève des montagnes de cruauté. Avec tes petits moyens, redouble d’efforts pour contribuer à plus de justice, plus de tolérance et de dialogue, plus de scepticisme et de raison.  » Merci pour cette photo, qui me bouscule et me mobilise.

Je comprends et respecte la réaction choquée de Mme Swearts et de M. Lejeune devant la photo de la semaine du 5 mars. Il est vrai que Le Vif/L’Express ne nous a pas habitués à ces visions d’horreur… Personnellement, ce n’est pas la publication de la photo qui me choque, mais la scène photographiée elle-même ! Et ce n’est pas tant le spectacle des chairs déchiquetées qui m’a frappé, mais la douleur humaine et la dignité de cette femme à genoux et bien vivante, elle, devant le corps affreusement violenté de cet homme qu’elle aimait. Est-ce que la bienséance doit censurer la réalité de ce drame absurde mais authentique qui, en l’occurrence, pourrait survenir n’importe où ? Est-ce qu’il faut réserver ces clichés insoutenables à la spéculation morbide de la presse à sensation et au voyeurisme ? Je pense que Le Vif/L’Express a eu le courage de répondre non. Peut-être pour rappeler que les images non moins atroces de Nuit et Brouillard, d’Alain Resnais, ont, elles aussi, été tournées sur terre, il y a à peine soixante ans… Peut-être aussi pour donner l’envie de construire un monde où on ne pourra plus jamais photographier ça !

Jacques Van Rillaer, Bruxelles

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