Une fonction, deux visions

Une fonction publique flamande performante face à une administration wallonne pléthorique et politisée ? Le tableau est bien plus nuancé.

La Flandre se croit forte, se compare toujours à la Wallonie, alors qu’elle est désormais en recul par rapport à d’autres régions qui font partie du top européen « , soulignait dans nos colonnes Tony Mary, ancien patron de la radiotélévision publique flamande VRT et pourfendeur du séparatisme (Le Vif/L’Express du 18 septembre). Il citait en exemple le nombre de fonctionnaires :  » Il diminue dans les pays voisins ; il augmente en Flandre.  » Qu’en est-il ? D’après une étude de la KUL parue en mars, le nombre de fonctionnaires en Région flamande serait passé de 38 230 à 45 249 entre 2000 et 2007, soit une augmentation de 18 %. La hausse serait surtout due à l’augmentation des effectifs dans des entreprises publiques autonomes comme De Lijn et le VDAB (l’équivalent du Forem). Durant la même période, le nombre de fonctionnaires fédéraux augmentait de 5 000 unités, pour atteindre 83 871 personnes.

 » Les communes, provinces et pararégionaux ont recruté en masse ces dernières années, confirme Michel Legrand, président du Gerfa (Groupe d’étude et de réforme de la fonction administrative). On a multiplié les structures sans jamais rationaliser, comme une lasagne où les couches se superposent.  » Wallonie et Flandre se distinguent à peine :  » En termes de proportion par rapport à la population au travail, il y a autant de fonctionnaires de part et d’autre « , souligne-t-il. Difficile d’en dire plus : la KULeuven relève que, pour la Wallonie,  » il n’existe pas de données fiables  » ! De toute façon, souligne Alexandre Piraux, rédacteur en chef de la revue Pyramides, il faut prendre ces chiffres avec des pincettes. On compare parfois des pommes et des poires !  » Ainsi, la CSC détecte, dans ces chiffres, des engagements à temps partiel, si bien qu’au bout du compte  » l’emploi dans la fonction publique ( NDLR : tous niveaux de pouvoir confondus) a baissé de 5 % en dix ans « .

Entre vérité des chiffres et idéologie, pas facile d’y voir clair. Par contre, la Flandre se démarque bel et bien dans sa culture d’entreprise.  » Le Nord fonctionne davantage avec des modèles anglo-saxons de management et d’évaluation, alors qu’en Wallonie on met plutôt l’accent sur les relations entre fonctionnaires « , explique Alexandre Piraux. Ensuite,  » les autorités flamandes font bien plus appel au monde universitaire « , signale Luc Hamelinck, président (fédéral) de la CSC services publics, qui rappelle aussi que les pararégionaux jouissent de plus d’autonomie au Nord. Enfin, cette mauvaise note :  » Le cancer de la politisation fait davantage de ravages au Sud, alors qu’en Flandre le recrutement s’opère sur des bases plus objectives « , témoigne Michel Legrand.

Ces différences doivent toutefois être relativisées. Non seulement elles tendraient à se résorber, mais elles n’induiraient pas de  » communautarisation  » du dossier de la fonction publique fédérale, du moins en interne. Pour le reste, les syndicats constatent des pressions flamandes pour dégraisser en douce notre appareil administratif. Quand l’Open VLD plaide pour un plan de sortie pour les fonctionnaires (sur trois qui partent à la retraite, un ne serait pas remplacé), Luc Hamelinck s’insurge :  » Des secteurs comme l’inspection sociale, par exemple, nécessitent davantage de personnel. L’important, c’est de mieux organiser, pas de dégraisser. « 

Il n’empêche, une des premières mesures de crise du nouveau gouvernement flamand a été de sabrer dans les coûts de fonctionnement de son administration. Le nombre de fonctionnaires est désormais plafonné, et les cabinets ont été réduits de moitié. Avec au bout du compte l’espoir de retrouver l’équilibre financier en deux ans, de quoi faire monter la pression sur les entités francophones, condamnées à quémander…

FRANÇOIS JANNE D’OTHÉE

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