Une campagne pour l’Evangile

Peut-on remplir les églises à coups de pub ? La Fondation Saint-Paul croit en tout cas aux miracles et investit sans complexe dans les médias et dans les sicav. L’Esprit saint souffle décidément où il veut

Nous nous inscrivons dans notre siècle. Nous voulons utiliser les médias d’aujourd’hui, la publicité mais aussi l’Internet. Ce que d’autres font plus efficacement que l’Eglise catholique.  » Allusion aux scientologues, à Raël… Xavier Cornet d’Elzius, directeur de la Fondation Saint-Paul, défend sa campagne :  » Ils auront besoin de repères ! Pourquoi pas l’Evangile ? » Le couple d’enfants photographiés de dos s’affiche, jusqu’au 24 mars, sur des panneaux de 20 mètres carrés en 85 lieux de Wallonie. A Bruxelles, 35 autres seront ornés, du 24 mars au 7 avril, du même cliché. Coût de l’opération : près de 50 000 euros. En automne, une seconde campagne, assortie d’un site Web et d’un forum de discussion, ciblera les adolescents. A l’origine de ce double projet, la Fondation Saint-Paul, qui s’était déjà illustrée, en 1999, par le lancement d’une  » sicav de partage  » chez Fortis : Evangelion. Cette fondation est indépendante de l’Eglise belge. Mais elle a reçu son approbation. Les voies du Seigneur sont décidément impénétrables.

Un panier de pistolets sur un poisson géant : le logo de la fondation renvoie à la pêche miraculeuse et à la multiplication des pains. Comme si Angelo Lazzari avait toujours cru aux miracles. Et pour cause : sa vie tient de la success story. Issu de l’immigration italienne, il a fait fortune dans les affaires. Dans les années 1990, alors qu’il revend son entreprise de construction, il est atterré par la désertification des églises. Cette religion qui a cimenté son existence, il ne la retrouve pas davantage chez ses petits-enfants. Il possède alors les fonds dont ne dispose plus l’Eglise pour reconquérir les âmes.  » En plein conflit du Kosovo, il est interpellé par les panneaux publicitaires qui vantent des produits de consommation, raconte Cornet d’Elzius. Et s’ils propageaient les valeurs de l’Evangile, s’est-il demandé, l’amour inconditionnel, le pardon inconditionnel et le respect inconditionnel, cela ne changerait-il pas les choses ? » Un allumé, ce Lazzari ?

En 1996, sa fondation était née. Elle a enfourché deux chevaux de bataille chers à Jean-Paul II : la réévangélisation et la médiatisation. La fondation a par exemple soutenu la participation nationale aux Journées mondiales de la jeunesse, mais elle apporte aussi des moyens à une vingtaine de  » cours Alpha « , importés de l’Eglise anglicane de Londres, qui dispensent, depuis cinq ans en Belgique, des formations de  » première évangélisation  » à la foi catholique ou protestante.

Mais sa priorité reste de  » donner une plus grande place au message de l’Evangile dans nos médias « . Proche du journal paroissial Dimanche et de l’agence d’information religieuse CathoBel, elle se soucie particulièrement du développement de RCF (radio chrétienne francophone),  » au nom du pluralisme démocratique « .

Prosélytisme ?  » Non, nous proposons l’évangile, nous ne l’imposons pas « , nuance Cornet d’Elzius. Les porteurs du projet se défendent également de toute proximité avec l’Opus Dei. Mais ils reconnaissent avoir des contacts avec le Renouveau charismatique et insistent sur leur profil de  » catholiques de base « . Voire. A la fondation, on est entre gens bien, souvent issus de la noblesse, proches de l’Adic (Association chrétienne des dirigeants et cadres), et attachés à la Belgique unitaire, etc.

Pauvreté spirituelle

La campagne  » Pourquoi pas l’Evangile ? » est développée uniquement en Wallonie et à Bruxelles grâce au soutien de quelque 300 mécènes, majoritairement francophones. En 2003, des dons avaient été récoltés pour 36 500 euros et les nouvelles souscriptions à Evangelion ont atteint 480 000 euros.  » L’archevêché a un représentant dans le conseil d’administration de la sicav, précise Cornet d’Elzius. Aucun investissement n’est réalisé dans l’armement, le tabac, la pornographie, les biotechnologies, la procréation in vitro ou le clonage…  »

Une affaire de gros sous, cette réévangélisation ? On semble en tout cas loin du v£u de pauvreté ou de l’option préférentielle pour les pauvres.  » Beaucoup d’associations s’occupent de la misère matérielle et le fondateur leur a versé beaucoup d’argent, poursuit le directeur. Mais, cette fois, il a voulu donner la priorité à la pauvreté spirituelle.  » Et d’ajouter :  » Les chrétiens vont-ils baisser les bras et laisser la place aux sectes, aux faux dieux et autres mouvements new age ? » La fondation verrait-elle le diable partout ?

Dorothée Klein

 » Si la pub prônait l’amour inconditionnel, cela ne changerait-il pas les choses ? »

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