Un vrai rôle pour Tony Blair

Le maintien des troupes américaines est devenu plus dangereux que leur retrait. Les Américains doivent, désormais, se retirer d’Irak. Ils ne devraient pas le faire du jour au lendemain mais se résoudre à annoncer, dès maintenant et clairement, qu’ils rappelleront leurs troupes à une date donnée, dans quelques mois au plus, à moins qu’elles ne soient intégrées à une force internationale dont un gouvernement souverain demanderait l’envoi aux Nations unies.

L’Amérique doit s’y résoudre, car ce n’est pas seulement qu’elle a été déconsidérée par le traitement de ses prisonniers. Ce n’est pas seulement que cette guerre a perdu sa dernière légitimité en réinventant l’arbitraire auquel elle devait mettre fin. C’est surtout que l’Amérique n’est plus une solution à cette crise.

Parrainage onusien ou pas, tant qu’elle n’aura pas annoncé son retrait, personne ne pourra croire à un retour à la souveraineté irakienne, considérer comme libres des élections organisées sous occupation étrangère et comme souverain un gouvernement qui ne serait pas chargé de la sécurité nationale.

Le retrait des Etats-Unis est la condition nécessaire d’une stabilisation car, tant qu’ils seront perçus comme maîtres du jeu, l’extrémisme continuera de se nourrir du rejet de l’occupation, la violence attisera la violence jusqu’à, vraiment, fédérer les Irakiens dans la haine de l’Amérique.

Cela ne facilitera rien. Cela compliquera d’autant plus tout que les forces politiques et religieuses du pays seront dispensées, puis vite empêchées, de prendre part à l’établissement d’un pouvoir national. Malgré les attentats, les enlèvements et l’effarante mise en scène de cette décapitation filmée, tout n’est pas encore perdu à Bagdad. Le pire, la guerre civile et la contagion régionale, n’est pas encore inéluctable, mais le compte à rebours est largement entamé.

Si la bourgeoisie sunnite, les ayatollahs chiites et les partis kurdes ne sont pas mis dos au mur, sommés, les premiers, de reconnaître la prédominance numérique des chiites, les deuxièmes de garantir une place et des droits aux minorités, les troisièmes de renoncer à l’indépendance, s’ils ne sont pas, tous, placés devant leurs responsabilités par la perspective d’un départ des Etats-Unis, l’Irak s’enfoncera dans un conflit balkanique avivé par l’enjeu pétrolier.

L’urgence est d’ouvrir les yeux de l’Amérique, de la faire arriver le plus vite possible à la conclusion qui s’impose û l’annonce d’un retrait que précéderait, durant l’été, avant des élections, une conférence nationale convoquée par l’ONU.

Seule l’unité de l’Europe sur ces objectifs pourrait emporter la décision américaine. Seule la Grande-Bretagne pourrait permettre cette unité en y travaillant avec la France et l’Allemagne. Tony Blair aurait, là, un vrai rôle à jouer.

Il suffirait qu’il le veuille, qu’il en ait le courage, qu’il montre assez d’indépendance envers George Bush pour reprendre la main en s’ancrant à l’Europe et l’aider, ainsi, à aider l’Amérique.

Bernard Guetta

Seule l’unité de l’Europe pourrait décider Washington à se retirer d’Irak. Seule la Grande-Bretagne pourrait permettre cette unité

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