Un soir pluvieux avant Noël

Les 14 et 15 avril prochains, la cour d’assises de Charleville-Mézières se penchera sur le calvaire de la petite Elisabeth Brichet, devenue la proie, à 12 ans, d’un couple sadique, les Fourniret.

Le 20 décembre 1989, un peu avant 19 heures, la nuit est tombée. Il pleut et c’est l’heure des infos et du souper. A Saint-Servais (Namur), le long de la Nationale 4, pas encore entièrement construite, les habitants vivent au fond de leurs maisons. Les voitures roulent vite. Personne n’a vu la fillette blonde, pressée de rentrer chez elle, quitter le domicile de son amie Vanessa, à 400 mètres de là. Nul n’a remarqué la Renault 9 tapie dans l’ombre depuis des heures, où deux paires d’yeux ont repéré l’aller-retour des deux gamines à la boulangerie, entre 18 heures et 18 h 30.

La Renault 9 s’est mise en marche doucement. Elle s’arrête à la hauteur d’Elisabeth, devant le parking du cimetière ; de l’autre côté de la N4, il n’y a aucune habitation. Le conducteur, un homme sévère, lui demande de les guider, lui et sa femme, vers un médecin, pour soigner leur bébé malade. Prétextant sa mauvaise connaissance des lieux, Michel Fourniret fait monter la gamine à bord du véhicule et actionne la sécurité enfant.

Le calvaire d’Elisabeth va durer une éternité : près de vingt-quatre heures. Elle supplie ses ravisseurs, elle est rudoyée et menacée ; la mère de famille, elle, se tait. A proximité de la frontière française, Michel Fourniret hésite, mais Monique Olivier l’encourage à redémarrer. Une heure et demie après le rapt, ils arrivent chez eux, à Floing, près de Sedan. La petite fille est attachée et enivrée par le couple diabolique pour en faciliter l’abus, mais Fourniret est impuissant.

Etouffée par un sac en plastique, puis étranglée

Après quelques heures de sommeil, Monique Olivier reprend le volant pour déposer son mari et Elisabeth, encore inconsciente, devant un pavillon inhabité du château du Sautou, à Donchery, à une dizaine de kilomètres de là. Ils ont acheté cette propriété et la maison de Floing avec l’or volé au truand Jean-Pierre Hellegouarch et à son épouse, Farida Hammiche. La complice repart en pleine nuit, abandonnant l’enfant à son triste sort. Fourniret s’attaque pour la seconde fois à Elisabeth, tétanisée par la peur. Il n’y parvient pas, l’étouffe sous un sac en plastique transparent, puis l’étrangle.

A l’instant où la fillette meurt, les gendarmes namurois sont en train de fouiller les endroits déserts de son quartier. La veille au soir, vers 20 h 30, ils ont été prévenus par une mère affolée, Marie-Noëlle Bouzet. Divorcée de Francis Brichet, la jeune femme a la garde de leurs enfants, Elisabeth et son frère Thomas, 14 ans. A 20 h 50, le signalement de la petite fille est communiqué aux hommes sur le terrain. Le recours à un maître chien pisteur est écarté en raison des mauvaises conditions climatiques. Une équipe qui se rendait sur un braquage est rappelée. A minuit, un avis de recherche urgent a été diffusé dans toute la Belgique. Les auditions de la mère et des amies, ainsi qu’une ronde dans le centre et à la gare de Namur, se poursuivent jusqu’à 3 heures du matin passés. Dès le premier soir, Namur mène une vraie enquête criminelle.

Ni guerre des juges ni guerre des polices

Le lendemain, une dizaine d’enquêteurs de la BSR (Brigade de surveillance et de recherche) de la gendarmerie et de la police judiciaire (PJ) sont mobilisés. Les deux services, autonomes jusqu’à leur fusion et la création de l’actuelle police judiciaire fédérale (PJF), vont travailler ensemble pendant quatorze ans. A Namur, la guerre des juges et la guerre des polices n’a pas eu lieu. Pourtant, en dépit d’investigations multiples explorant systématiquement toutes les hypothèses, Elisabeth restera introuvable. Jusqu’à l’audition de Monique Olivier, le 28 juin 2004 par le commissaire Jacques Fagnart, de la PJF de Dinant. Envoyé dans les cordes, Fourniret passe aux aveux, deux jours plus tard. Le 3 juillet, le squelette d’Elisabeth est découvert à l’arrière du château de Sautou, à 2,50 mètres de profondeur. Fourniret dirigeait, ce jour-là, sur son ancien domaine, les travaux de la pelleteuse.

Marie-Cécile Royen

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