Un procès n’est pas une thérapie

Le credo de Me Jean-Philippe Rivière, avocat pénaliste ? Pour leur épargner de faux espoirs, les avocats doivent préparer les victimes.

Les victimes directes et celles qui ne le sont pas, comme leurs familles, n’ont pas les mêmes attentes. Si la personne soupçonnée n’a pas avoué, la reconnaissance des accusations est essentielle pour la victime. Je prends un exemple : une jeune fille de 14 ans accuse son beau-père d’attouchements. Il nie et soutient qu’elle cherche à se venger parce qu’il lui défend de sortir le soir. Dans ce cas, nous avons affaire à une véritable ordure : mais laquelle des deux ? La justice tranchera.

Par ailleurs, les victimes veulent aussi comprendre : Dutroux a été un petit garçon comme tous les autres ! Pourquoi les a-t-il fait souffrir et pourquoi est-ce sur elles que le sort s’est acharné ?

Néanmoins, certains inculpés ne donnent aucune explication, sinon celle issue de leurs fantasmes. Ou, encore, ils se lancent dans des provocations : tout cela, la victime doit en être avertie avant le début du procès !

L’avocat est l’intermédiaire entre son client et la justice. C’est à lui, et à lui seul, et non à quiconque d’autre dans les services d’aide aux victimes, d’expliquer la procédure judiciaire. C’est à l’avocat encore de prévenir qu’en tant que victime on a des droits, mais pas tous les droits, et que l’on risque aussi de vivre des moments désagréables. A lui, enfin, de rappeler que le juge ne peut qu’appliquer la loi : si celle-ci pose des problèmes, il faut s’adresser au législateur !

Cet indispensable travail pédagogique prend du temps. Une mère dont le fils a été égorgé par le père doit être prévenue que l’enquête sera longue. Et qu’il lui faudra, ensuite, s’armer de patience parce que la cour d’assises du Hainaut est la plus débordée du pays ! Huit jours après le drame de Ghislenghien, Laurette Onkelinx (PS), alors ministre de la Justice, avait déclaré que le dossier serait instruit en un an et jugé l’année suivante. Que de faux espoirs donnés !

La victime ne perd jamais une part de son sentiment d’incompréhension, mais cela se vérifie davantage encore si le procès n’a pas permis d’apporter les explications espérées. Un procès, même bien conduit, ne permet pas de faire son deuil : il n’est ni un point de départ ni un aboutissement, mais une étape intermédiaire. Après la Marche blanche, on a légitimement accordé plus de place aux victimes dans les procédures. Mais il ne faudrait pas tomber dans l’excès contraire, sous peine de pervertir la mission de la justice pénale : le but d’un procès est d’apporter la preuve d’une culpabilité et de punir, pas de faire la thérapie des victimes.  » l

P.G.

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