Un ornement pour mandarins chinois…

Enseigner, c’est – depuis des millénaires – transmettre des savoirs, des techniques à d’autres. Ce travail de transmission est gratifiant… au point que les enseignants ont toujours accepté un maigre salaire. Pendant des années, j’ai pu  » transmettre  » et c’était un plaisir d’adapter cette action à des élèves différents, à des moments différents, à mes propres lectures et expériences… Mon action se faisait au Zaïre. (…) Arrivée en Belgique, à 45 ans, j’ai été ébranlée par les  » méthodes modernes.  » (…)

J’ai lu  » tout  » ce qui m’est tombé dans les mains concernant la problématique de l’enseignement et ai rencontré deux tendances bien différentes :

1. Il y a des textes incompréhensibles, pleins de néologismes  » savants « , que, philologue, je ne comprends pas (je ne suis pas gênée de le dire !). Ces textes veulent m’apprendre comment enseigner… ils me proposent des théories visiblement sans aucun lien avec de vrais élèves, avec de vrais besoins, avec une vraie culture (à peine arrivée en Belgique, on m’a suggéré des textes écrits par des SDF. J’ai préféré  » mes  » classiques, quitte à les présenter de manière peu orthodoxe, en doses homéopathiques aux plus rebelles, à les compléter par l’actualité…). Ici, l' » enseignement  » est un ornement pour mandarins chinois ou une gentille occupation pour personnes peu douées (curieux comme on balance entre ces deux extrêmes… sans atteindre l’utile).

2. Il y a les textes hurlant littéralement la détresse de l’enseignant dans l’âme qui n’arrive pas à y croire, qui imagine – depuis plus de 30 ans – que les ministres successifs vont prendre conscience de la réalité et s’y adapter. Pour le moment, la crise de l’enseignement est encore plus profonde que la crise de la société en général : des pédagogues en chambre – souvent obligés de  » pondre  » pour monter dans la hiérarchie universitaire – écrivent de nombreux livres et articles où ils démontrent qu’ils ont enfin trouvé LA bonne méthode d’enseignement… méthode qui change donc sans arrêt au détriment des enfants. (Sachez, Mesdames, Messieurs, qu’il n’y a pas de bonne méthode. Les méthodes ne valent que ce que valent les enseignants, et les meilleurs enseignants sont libres d’enseigner selon leur personnalité.) Le dernier livre que j’ai lu, Madame, vous êtes une prof de merde ! de Charlotte Charpot, a eu beaucoup de succès. J’espère qu’elle secoue quelques responsables, qu’elle tranquillise un peu ceux qui veulent encore enseigner et qui rament donc à contre-courant.

Et maintenant on me demandera certainement quels changements je me permets de proposer ! Rien de révolutionnaire. Surtout un grand nettoyage dans le fatras actuel qui obscurcit le cerveau des enfants : on leur apprend tant de choses que presque rien ne reste accroché, que presque rien n’est compris. On apprend par c£ur -comme au Moyen Age ! – on fait des dossiers en groupe (!), on fait des jeux éducatifs… et on ne sait pas faire une règle de trois, on fait tant de fautes d’orthographe que le texte en devient incompréhensible (J’ai parlé de  » texte  » ? Pardon, les gosses n’écrivent guère car leurs enseignants n’ont pas le temps de les corriger, de leur apprendre… de plus, ces corrections seraient nécessairement subjectives – horreur ! – et le  » texte à trous  » peut être vérifié par n’importe qui, sa correction est donc objective), on étudie l’histoire  » saucissonnée « , on… Bref, revenons à l’essentiel et faisons vraiment travailler nos enfants pour qu’ils se forment vraiment, et à la connaissance et à la discipline.

Et inutile d’aller voir en Finlande comment les Finlandais s’y prennent : leur société est homogène, ils sont différents de nous. Allons voir dans le nord de notre pays : la Flandre a quelques décennies de retard dans l’effondrement même si – les mêmes causes produisant les mêmes effets – l’enseignement s’y gangrène aussi.

n Mia Vossen, romaniste, Rochefort, par courriel

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