» Un ministère des Finances wallon « 

Pour André Antoine, ministre du Budget de la Région wallonne et de la Communauté française, la crise a permis de surmonter les querelles intestines. Sans mesures radicales, on était parti pour 25 ans d’austérité. Mais la Région a besoin d’un outil financier plus performant.

L e ministre-président Rudy Demotte a évoqué  » un des budgets les plus difficiles de toute l’histoire de la Communauté française « . L’accouchement a-t-il été douloureux ?

André Antoine : Il s’agit surtout d’un budget inédit. On n’a jamais été confronté à un tel effondrement des recettes. De plus, c’est la première fois que nous avons confondu les moyens régionaux et communautaires. Il s’agit d’une rupture avec le passé et avec les attitudes régionalistes frileuses à l’égard de la Communauté française. Grâce à la crise, nous avons pu surmonter nos querelles intestines, intra-wallonnes et intra-francophones.

Vouloir à tout prix retrouver l’équilibre en 2015, est-ce du fétichisme ?

Faute de prendre des mesures radicales, comme nous l’avons fait, nous condamnions les citoyens à vingt-cinq ans d’austérité. De plus, il y avait un enjeu national. Si les Wallons et les francophones ne retrouvent pas des budgets à l’équilibre en 2015, le nord du pays sera intraitable avec nous, considérant que nous sommes des laxistes et des négligents. Pour garantir l’unité de la Belgique, nous devons maintenir ce rendez-vous de 2015.

Les 100 millions de recettes nouvelles proviennent toutes de la Région wallonne. Concernant les dépenses, la Région doit raboter les siennes de 350 millions, alors que l’effort de la Communauté française s’élève  » seulement  » à 150 millions. Pourtant, la Communauté dispose d’un budget de 8 milliards d’euros, supérieur à celui de la Région (6 milliards). La Wallonie devient-elle la vache à lait de Bruxelles ?

Peu me chaut l’avis de ceux qui opposent Wallons et francophones. La Région wallonne, qui a ses spécificités, doit conserver une solidarité avec Bruxelles. Et on ne peut pas mieux l’exprimer qu’en aidant la Communauté française.

L’enseignement échappe largement aux foudres de la rigueur…

J’affirme même que l’école ne devra pas subir d’économies. Tout au plus, nous avons renoncé à des projets qui étaient sur la table et, tout au plus, nous avons décidé de ne verser que 50 % de la dernière tranche de subventions pour l’année 2010. Mais ce sont des moyens supplémentaires ! Autrement dit : encadrement et frais de fonctionnement confondus, il y a 20 millions d’euros en plus pour l’enseignement obligatoire.

Sous la précédente législature, la radioredevance (27 euros) a été supprimée, tandis que la téléredevance a été ramenée de 163 à 100 euros. N’était-ce pas imprudent ?

Seuls 35 % des Wallons payaient la radioredevance. Nous avons un problème de collecte des impôts, lié à un problème de culture politique : les impôts, on n’aime pas trop ça. Moi, je n’accepte pas qu’un impôt soit payé par certains et que d’autres s’en émancipent de manière illicite. Alors, soit on supprime carrément l’impôt, soit on le maintient, mais alors on doit pouvoir le collecter efficacement. Sinon, cela revient à mettre de nouvelles charges sur le contribuable loyal. Et ça, je ne le souhaite pas. D’ailleurs, pour l’essentiel, nous n’avons pas créé de taxes nouvelles, malgré le contexte difficile.

Michel Daerden avait promis de supprimer la téléredevance…

Je n’ai jamais été un chaud partisan de sa suppression. Michel Daerden faisait le pari d’une croissance continue et soutenue, alors qu’il y a des cycles en économie. Ce qui est certain, c’est que nous devons moderniser notre fiscalité. Les écobonus et écomalus ont produit une évolution positive : le taux moyen d’émissions de CO2 est de 137 grammes par véhicule en Wallonie, contre 150 en Flandre et à Bruxelles. Je vois que Ford lance un modèle à 98 grammes. Le Wallon qui achètera cette voiture recevra 1 200 euros de prime, soit 200 euros de plus qu’à l’époque de Michel Daerden. A l’inverse, celui qui voudra acquérir une Audi Q7 ou Q8 paiera 1 500 euros de contribution à la collectivité et à l’environnement.

Moderniser la fiscalité, dites-vous. C’est-à-dire ?

Le fédéral continue à collecter l’impôt pour nous, notamment pour le foncier. Mon projet, durant cette législature, est de doter la Région wallonne d’un véritable ministère des Finances. Les Flamands l’ont depuis plusieurs années, et nous ne l’avons toujours pas. Evidemment, c’est plus facile de laisser collecter ça par l’administration fédérale des finances. Avec le risque de voir le fédéral moins investir dans la collecte de ces impôts-là, puisqu’ils ne lui sont pas destinés. Et quand je parle d’un risque, il est avéré.

Quand verra le jour ce ministère wallon des Finances ?

Le chantier vient d’être lancé. C’est ce que nous appelons la DGO7, aux côtés des 6 autres départements qui existent déjà. Pour moi, c’est un rendez-vous de maturité institutionnelle. Un niveau de pouvoir qui ne dispose pas d’un outil fiscal de qualité ne peut pas se faire respecter. En Wallonie, on a toujours eu un ministre du Budget. On doit à présent avoir un ministre des Finances. Ce n’est pas le même métier. Le ministre des Finances doit déterminer le produit fiscal, superviser la collecte du juste impôt. Le ministre du Budget gère davantage la dette et la  » raclette « , c’est-à-dire qu’il essaie de comprimer les dépenses. En Wallonie, on a bien travaillé le budget, avec les nuances que j’ai apportées. Par contre, il reste beaucoup de chemin à parcourir du côté des finances. J’ajoute que nous devons avoir une gestion plus dynamique de la dette. Je suis effaré de voir que, dans mon département, il n’y a pas un service de la dette, un haut responsable de la dette. Je trouve ça inacceptable. Il va falloir y remédier. Vite.

N’est-ce pas un non-sens de renforcer le contrôle des chômeurs ? Il y a une pénurie d’emploi…

Moi, je ne veux pas me résigner à la fatalité. Dans les dernières statistiques de septembre, on constate une recrudescence des offres d’emplois et du nombre de jeunes qui ont trouvé un travail. Certains se disent : je deviens chômeur parce qu’il n’y a pas d’emploi. Non ! C’est cette fatalité-là aussi que je veux briser. Aide-toi et le Forem t’aidera ! Il faut une démarche volontaire du demandeur d’emploi et elle est d’autant plus susceptible de réussir si elle s’opère juste au moment où on quitte l’école ou dès qu’on perd son précédent job. Il faut tout de suite prendre en charge l’intéressé. Il ne faut pas qu’il s’installe dans la posture du demandeur d’emploi. Cela ne peut être qu’une période tremplin pour retrouver un emploi. Ce changement passe aussi par une petite révolution du Forem. Dorénavant, je souhaite que le demandeur d’emploi soit traité de manière personnalisée. Plutôt que de passer par les différents services du Forem, de chaque fois réexpliquer son histoire, ses lacunes, ses atouts, son expérience, ses démarches précédentes, je souhaite que le demandeur d’emploi retrouve le même interlocuteur à chaque fois qu’il s’y rend. L’objectif pour l’entrée en vigueur de ce coaching individuel, c’est le 1er janvier.

N’y a-t-il pas un problème de bonne gouvernance au Forem ?

Le Forem, c’est 1 milliard d’euros, sur les 6 milliards de la Région wallon. C’est considérable ! Moi, j’entends que chaque euro du Forem soit investi de façon exemplaire pour la formation, pour l’emploi. Sous la législature précédente, j’ai très souvent entendu Jean-Claude Marcourt se plaindre de certains dysfonctionnements. Il y a une réflexion à mener avec les partenaires sociaux. Un conseil d’administration, ce n’est pas un parlement. Ce n’est pas le théâtre d’affrontements idéologiques entre employeurs et employés. Selon la définition du code des sociétés, être administrateur, c’est être responsable de la gestion d’un organisme. J’ai été très étonné, au moment où les dysfonctionnements au Forem sont apparus, de voir que les patrons et les syndicats se sont renvoyé la balle. Mais, bon sang, ils avaient des administrateurs ! Ils devront savoir, à l’avenir, qu’ils sont des gestionnaires.

S’il a été si difficile de boucler ce budget, n’est-ce pas à cause d’un certain laxisme du précédent gouvernement ?

Je réfute cette idée de toutes mes forces. Ces cinq dernières années, la Région et la Communauté ont toujours été en boni.

Entretien : François Brabant

 » Aide-toi et le Forem t’aidera ! « 

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