Un labo haute sécurité

A Namur, la recherche fondamentale se dote d’un laboratoire BL3 pour l’étude de la bactérie Brucella, hantise des éleveurs du monde entier. En route vers un vaccin humain ?

Bientôt un vaccin humain sûr et efficace contre la brucellose ? Au laboratoire d’immunologie et de microbiologie des Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix, à Namur, on estime que ce scénario a de sérieuses chances de se concrétiser dans un avenir proche. Depuis 2002, le séquençage du génome complet de la bactérie Brucella melitensis, responsable de la maladie chez le mouton et la chèvre, est connu. Voilà une douzaine d’années, en fait, que les services du Dr Jean-Jacques Letesson se spécialisent dans l’étude de ce minuscule parasite intracellulaire, responsable d’une des zoonoses (maladies transmissibles des animaux aux hommes) les plus répandues dans le monde, selon l’Organisation mondiale de la santé.

Mais, si les 3 000 à 3 200 gènes des diverses formes de Brucella sont dorénavant catalogués et accessibles à la communauté scientifique, encore faut-il identifier le véritable  » plan de montage  » de la bactérie. En d’autres termes, il reste à comprendre les mécanismes moléculaires qui lui permettent de réaliser son cycle infectieux complet et de détourner, à son profit, des processus cellulaires complexes (comme la mort cellulaire programmée).

Un pas probablement décisif vient d’être franchi, dans la cité mosane, avec l’acquisition par les Facultés d’un laboratoire  » BL3  » (coût : 750 000 euros). Aménagée sous les combles de la faculté de médecine, cette installation de 120 mètres carrés, totalement isolée du reste du bâtiment, permettra de suivre à la trace les moindres comportements intimes de Brucella melitensis dans des conditions optimales de confinement.

A noter qu’au-delà d’un BL3 il n’existe – en termes de sécurité – que le niveau 4, susceptible d’étudier (par exemple) le virus Ebola, ou d’autres pathologies pour lesquelles il n’existe aucun vaccin ni traitement. Dans un BL3, rien n’est laissé au hasard : dépression permanente des locaux (pour éviter les échanges d’air vers l’extérieur), filtrage total de l’air entrant et sortant (toutes les trois minutes), recours exclusif à des matériaux non poreux, double sas d’accès, manipulation des organismes sous enceinte de sécurité microbiologique, etc.

En Belgique, le nombre de cas de brucellose chez les animaux de rente a progressivement diminué depuis le début des années 1990, au point de tomber à zéro depuis 2001. Les campagnes de vaccination des cheptels ne sont pas étrangères à ce succès, bien qu’elles soient aujourd’hui interdites (après de nombreuses polémiques). A l’inverse des animaux d’élevage (et jusqu’aux cétacés), l’homme n’est pas un  » hôte préfé- rentiel  » des différentes formes de Brucella : il n’en meurt pas, s’il est correctement soigné par antibiotiques. Mais, en cas de contamination, il peut développer des troubles nerveux graves. En Belgique, depuis l’arrêt de la vaccination, les abattages massifs dans les troupeaux atteints ou suspects de brucellose ont quasiment fait disparaître les cas de maladie chez l’homme. Les recherches menées dans le laboratoire namurois pourraient contribuer à l’amélioration des vaccins animaux existants et à la mise au point de nouvelles antibiothérapies. Mais, dans les régions où la maladie frappe de larges couches de la population (Proche-Orient, pays méditerranéens…), la mise au point d’un vaccin humain serait également une excellente nouvelle.

Philippe Lamotte

La recherche namuroise porte aussi sur les antibiothérapies

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