Un homme pressé sous pression

Un pied en politique, l’autre dans les affaires, Stéphane Moreau est le plus impatient des socialistes liégeois. En fait-il trop ?

« Je n’ai pas le temps, je file. Ma carrière est en jeu. Je suis l’homme médiatique. Je suis plus que politique. Je vais vite, très vite. Car je suis un homme pressé.  » Ces paroles du groupe Noir Désir ont électrisé quelques générations d’adolescents. Elles offrent aujourd’hui la bande-son idéale d’une vie fast and furious, celle de Stéphane Moreau – n’en déplaise à l’intéressé, qui préfère Lady Gaga et les Black Eyed Peas.

L’Homme pressé, c’est aussi un film tourné en 1977. Alain Delon y incarne un collectionneur d’art qui brûle les étapes. A travers lui, le film dépeint une certaine catégorie d’hommes, fonceurs, de la trempe de Stéphane Moreau, le plus impatient des socialistes liégeois.  » Quand je pense à Stéphane, c’est cette image de l’homme pressé qui me vient à l’esprit. Je revois le film « , lâche Jean-Claude Peeters, échevin des Travaux à Ans. Cet ancien permanent syndical de la CGSP-cheminots connaît le mélange explosif d’ambition et de hâte qui anime Stéphane Moreau. Il s’y est frotté, dès 1997. Cette année-là, la présidence de la fédération liégeoise du Parti socialiste est remise en jeu. Deux candidats sont sur les rangs : le fidèle Jean-Claude Peeters et un jeune technicien brillant, Stéphane Moreau. Mais c’est le premier des deux qui sera adoubé par les barons.

Depuis lors, Moreau a fait du chemin. Il vole désormais bien plus haut que son ex-rival.  » C’est un homme de conviction. Il sait écouter. Mais je ne sais pas s’il prend le temps d’entendre « , estime Jean-Claude Peeters, malicieux. Quant à l’impatience…  » A Ans, seule une échevine est plus jeune que lui. Un échevin a 65 ans. Un autre, 63. J’ai 58 ans. Le bourgmestre faisant fonction, 56. Lui, il est âgé d’à peine 46 ans. Il a tous les atouts pour devenir un bon bourgmestre. Certes, Michel Daerden est encore là… Mais la ligne du temps lui est favorable. Pourquoi aurait-il besoin de la provoquer ? Stéphane veut avancer le curseur plus rapidement que ce qu’il devrait. Tout le problème vient de là. « 

Pressé. Et très occupé. Sa dernière déclaration au Moniteur belge mentionne 17 mandats, dont 7 rémunérés. Trop pour un seul homme ? La question chipote beaucoup d’élus socialistes. Mais le ministre wallon de l’Economie, Jean-Claude Marcourt, commence par s’étonner des termes du débat.  » Quand une entreprise est détenue par des communes et des provinces, la sévérité n’est pas la même que quand elle est aux mains de l’Etat, ou d’un mix public-privé. C’est quand même paradoxal. Etienne Schouppe a longtemps été bourgmestre de Liedekerke et administrateur délégué de la SNCB. Personne n’évoque les mandats de Johnny Thijs… Depuis qu’on a amené des capitaux privés à La Poste et à Belgacom, comme par hasard, on ne regarde plus si les gestionnaires ont d’autres mandats. Tout ça paraît normal. « 

 » Ce qu’un jour Stéphane devra faire, concède Jean-Claude Marcourt, c’est accepter que lorsqu’on prend des fonctions supérieures, on doit parfois abandonner des fonctions qu’on détenait jusque-là.  » Stéphane Moreau devrait-il renoncer à une partie de ses mandats ?  » Ce n’est pas à moi d’en juger. Qu’il soit échevin ou bourgmestre d’Ans et administrateur délégué de Tecteo ne me gêne pas du tout. Mais son mandat à l’IGIL, l’intercommunale qui gère le palais des Congrès et les Halles des foires… Cela brouille son image. Cela donne l’impression qu’il s’occupe de choses accessoires. « 

Stéphane Moreau, lui, souligne qu’il a abandonné 10 mandats au cours de l’année 2009. Parmi ceux qu’il conserve, 5 seraient directement liés à ses fonctions chez Tecteo.  » Même pour la société que je dirige, il ne serait pas bon que je cesse mes activités politiques. Grâce à ma connaissance fine du terrain municipal, je pilote Tecteo en tenant compte de cette sensibilité. Jamais des cadres full privé ne pourraient intégrer les contraintes que ça implique.  » Les questions sur le sujet l’exaspèrent. Il le vit comme un acharnement.  » Quand on se frotte au suffrage universel, on est plus ennuyé que celui qui ramasse des mandats à la pelle sans se mouiller. Nous sommes en démocratie, et je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas, comme tout citoyen, m’engager pour la collectivité. « 

F.B.

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