Un échiquier pour l’Union

Il ne faut pas désespérer de la gauche. Avec dix ans de retard, les socialistes français se rallient enfin à l’idée de fonder une force politique paneuropéenne, un Parti socialiste européen regroupant les social-démocraties des 25 pays de l’Union.

Rien n’est fait. Ce n’est qu’un projet, mais son aboutissement changerait la donne, car cette unification de la gauche européenne précipiterait celle de la droite et suivrait celle des écologistes, qui vont créer, à Rome, le 20 février, un Parti vert européen.

De proche en proche, l’Union est à l’avant-veille de se doter ainsi d’un échiquier politique commun de formations transnationales à même d’animer une vie politique européenne, car, avec des partis proposant des programmes pour l’ensemble de l’Union, l’élection du Parlement de Strasbourg ne serait plus un rituel sans enjeu.

Elle deviendrait, au contraire, le plus important des scrutins de l’Union, puisque, dès lors qu’il s’agirait de voter pour l’harmonisation ou la concurrence fiscale, pour la réforme ou la privatisation de la protection sociale, pour ou contre une augmentation des dépenses militaires, pour ou contre l’abandon de l’énergie nucléaire, pour déterminer, en un mot, les choix que nous devons faire en commun, les élections européennes primeraient les élections nationales.

Non seulement l’Union ne serait plus perçue par ses citoyens comme une force insaisissable à laquelle se heurte le suffrage des nations, non seulement elle deviendrait ce qu’elle doit être, notre nouvelle res publica, le cadre de la souveraineté populaire européenne, mais cette évolution porterait en elle l’émergence d’un exécutif fédéral.

Le parti ou la coalition qui aurait réuni une majorité parlementaire à Strasbourg serait en effet fondé à imposer son candidat à la présidence de la Commission de Bruxelles, à en faire le Premier ministre de l’Union, copilote de l’Europe avec le Conseil des chefs d’Etat ou de gouvernement.

Le Parlement n’aurait plus seulement les moyens institutionnels dont il dispose déjà, puisque le président de la Commission ne peut être nommé sans son approbation. Il aurait aussi l’indispensable légitimité que lui conférerait une campagne électorale à l’issue de laquelle se serait dégagée une majorité politique paneuropéenne.

C’est pour cela que l’ambition exprimée le 28 janvier, à Paris, devant le club Europartenaires, par François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste français, et Poul Nyrup Rasmussen, chef de file des sociaux-démocrates danois, est si fondamentale, mais il reste, bien sûr, une question. Comment réunir en une seule formation les différentes traditions nationales de la gauche européenne ?

Ce ne sera pas plus facile que pour la droite ou les Verts, mais ce moment de vérité s’impose. Le passage des forces politiques continentales à la dimension transnationale les contraindra aux reclassements et à l’aggiornamento que toutes retardent depuis trop longtemps. Ce ne sera pas le moindre de ses avantages.

Vincent Hugeux

Avec des formations politiques transnationales, l’élection du Parlement de Strasbourg ne serait plus un rituel sans enjeu

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