Une réforme est plus facile à annoncer qu’à réaliser. Sur la scène fédérale, les politiciens flamands ont réclamé une grande réforme de l’Etat, mais ils ne parviennent pas toujours, à l’échelon régional, à en démontrer la nécessité. Ainsi, le gouvernement flamand peut désormais mener sa propre politique en matière d’allocations familiales. Et, selon un audit, il serait bien plus efficace de l’organiser à partir d’un seul organisme de paiement que via treize fonds différents, comme dans le système fédéral. Les allocations familiales constituent une composante importante de l’Etat-providence passée aux entités fédérées. Une occasion unique pour l’exécutif de Geert Bourgeois (N-VA) d’écrire l’histoire en aménageant un premier volet de l’Etat-providence flamand.
Mais jusqu’à présent, il n’y parvient pas. Il se montre plutôt divisé face au budget à neuf chiffres des allocations familiales. C’est pourquoi un copié-collé de la méthode autrefois fédérale constitue probablement la voie la plus sûre. L’équipe de Geert Bourgeois manque ainsi une occasion unique d’éliminer des règles complexes. Certains s’accrochent au jeu d’équilibre qui règne à la fois entre la politique et la société civile et au sein de cette dernière : la gestion des allocations familiales pour les employeurs (dont le silence est assourdissant dans ce débat, alors qu’ils en appellent à une plus grande efficacité dans tous les autres), le chômage pour les syndicats et les frais de maladie pour les mutuelles. Comme la N-VA a peu de soutien dans la société civile, elle peut exiger un rôle plus important pour les autorités flamandes. D’autres estiment que ces autorités ne sont pas capables de reprendre cette mission complexe. Il est fréquent que lors du transfert de certaines compétences fédérales, les autorités régionales reprennent, dans une première phase, les règles existantes, avant de mettre en place, progressivement, leur propre politique. Tout indique toutefois que la reprise telle quelle du système des allocations familiales le bétonnera aussi pour des décennies dans l’autonomie flamande.
Le gouvernement Michel se heurte lui aussi à ses limites. Si l’incompétence cumulée de quelques excellences du MR est décevante, sa politique budgétaire l’est encore bien davantage. C’est pourtant un domaine où l’exécutif fédéral pourrait vraiment faire la différence par rapport à celui emmené par Elio Di Rupo. En 2015, le déficit public affichait 2,9 %, soit juste sous le seuil des 3 % enclenchant la procédure de sanction européenne et au-dessus de l’objectif, déjà revu à la baisse, de l’équipe Michel. La différence atteint 1,6 milliard, et elle ne peut être imputée aux socialistes… L’objectif budgétaire, fer de lance de la » force du changement » claironnée par Charles Michel, contraindra son gouvernement à prendre des mesures musclées. A en croire certains, il faudrait 7 à 8 milliards pour à la fois financer le tax-shift et atteindre l’équilibre budgétaire en 2018. Le tax-shift peut en effet soutenir l’emploi, lequel sera peut-être dopé davantage encore par la faiblesse des prix pétroliers. Mais le fait que la croissance économique se situe actuellement sous la moyenne européenne s’explique, pour certains, par la politique d’austérité de centre-droit. Bref : sa formule ne paraît pas (encore) efficace.
Entre-temps, le CD&V et la N-VA restent à couteaux tirés. Les nationalistes veulent faire des économies et réduire les impôts, les sociaux-chrétiens soulignent que les revenus, une compétence du ministre N-VA Johan Van Overtveldt, sont inférieurs aux attentes et ils s’opposent, en tant que » conscience sociale du gouvernement » à toute mesure d’austérité touchant la sécurité sociale. Dans De Morgen, le 6 février, Wouter Beke, président du CD&V, a violemment critiqué les propositions du ministre des Finances sur la baisse de l’impôt des sociétés, affirmant qu’elles » ne tiendront pas 24 heures « . La guerre froide qui fait rage entre les deux plus grands partis flamands du gouvernement se poursuit donc en 2016. Il ne reste décidément plus grand-chose des promesses de ce gouvernement qui annonçaient le grand changement.
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par Carl Devos