Un anniversaire de première

Envoyé spécial fête ses 20 ans. Paul Nahon, Bernard Benyamin, les anciens patrons de l’émission, et Guilaine Chenu, l’une des deux rédactrices en chef actuelles, évoquent leurs premières fois.

Première émission

Bernard Benyamin :  » On a diffusé un reportage sur la pollution au plomb et au mercure en Chine, un autre sur la cueca sola, une danse pratiquée par les Chiliennes qui ont perdu leur mari ou un enfant, et un troisième réalisé par le cinéaste roumain Paul Barba-Negra, qui revenait dans son pays vingt-cinq ans après l’avoir quitté. Tout était déjà là : on recevait les reporters en plateau et on racontait deshistoires du bout du monde avec une volonté d’austérité par rapport au côté strass et paillettes de la chaîne. « 

Premier scoop

B. B. :  » Un reportage sur un orphelinat pour enfants handicapés en Russie, réalisé par Manon Loizeau et Jean-Baptiste Rivoire, en 1997. Les images étaient terribles. On a compris pourquoi personne n’avait jamais pu pénétrer dans ces lieux. On ne sait ni comment ni pourquoi Boris Eltsine a vu le sujet, mais il a tellement été édifié qu’il a décidé de fermer les orphelinats. « 

Premier procès

Paul Nahon :  » Il y en a eu tellement ! Dès qu’on parlait de sectes, comme la Scientologie, et du Front national, on était assignés en référé. Ils ont tout fait pour empêcher la diffusion des sujets, ils ont perdu à chaque fois. « 

Première menace

P. N. :  » Après la diffusion d’un sujet sur Le Pen, j’ai reçu des boîtes avec des cafards, des mini-cercueils, des lames de rasoir et j’ai eu des appels anonymes menaçant mes filles. J’ai demandé la protection de la police pendant un mois. Je n’ai jamais eu la preuve que tout ça émanait du FN, mais j’en reste persuadé. « 

Premier four

B. B. :  » Un reportage sur les derniers communistes américains réalisé par Frédéric Rossif, après la chute du mur de Berlin. Un 52 minutes remarquable, dont nous étions très fiers. Une catastrophe à l’Audimat. Peut-être était-ce trop pointu. « 

Premier succès

B. B. :  » Un sujet sur les bègues. Tout le monde en a parlé, c’était incroyable ! Le héros était un jeune garçon, très beau, mais dès qu’il ouvrait la bouche, c’était terrible. On souffrait pour lui. Un ancien bègue l’aidait à surmonter son bégaiement et, à la fin, il s’exprimait normalement. Pourquoi les gens se sont-ils passionnés pour ce sujet-là précisément ? Mystère. « 

Premières pressions

B. B. :  » On avait un reportage sur l’accident de l’Airbus à Habsheim, dans lequel on essayait de montrer que l’avion n’était pas au point. Le président de la chaîne nous a convoqués pour s’assurer qu’on était certains de ce qu’on avançait, ce qui était le cas. On a compris qu’il subissait des pressions venant de très haut. Mais on a passé le sujet. « 

Premier scandale

P. N. :  » Un reportage diffusé en 1995. Un chercheur du CNRS et un médecin témoignaient des risques liés à l’amiante, deux ans avant qu’une loi en interdise l’usage. Ce n’était pas un thème évident pour une émission de 20 h 30, on a été étonnés de son impact. Il a suscité une véritable polémique avant de devenir une référence. « 

Premier plateau

Guilaine Chenu :  » C’était en 2001. On a eu très peur, Françoise [Joly] et moi. Pour nous, Envoyé spécial était un monument. Je crois qu’on était un peu figées en plateau. « 

Premier changement

G. C. :  » Le décor, je crois. Il n’était pas question de faire la révolution, on voulait garder la même ligne éditoriale, mais en y apportant des changements pour adoucir le côté grand-messe. Petit à petit, on a pris de nouveaux journalistes, changé de réalisateur et de décor. « 

Premier défi

G. C. :  » Le 11-Septembre. Ça nous est tombé dessus un mardi matin, on avait repris les manettes de l’émission depuis six mois. En quarante-huit heures, on a monté une émission de deux heures, présentée en direct de New York. « 

Envoyé spécial. Tous les jeudis, France 2, 20 h 35. Soirée spéciale le 3 juin.

Propos recueillis par Sandra Benedetti

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