Trop coûteux, les sondages fiables se font rares

René Patesson, directeur honoraire du centre de psychosociologie de l’opinion de l’ULB, pointe les limites des enquêtes effectuées auprès des jeunes dans les écoles. Notamment par le Crioc.

Le Vif/L’Express : Selon vous, les enquêtes effectuées dans les écoles pour sonder les jeunes présentent des travers majeurs. Lesquels ?

René Patesson : Les résultats de ces enquêtes menées auprès des jeunes sont rapportés à l’ensemble de cette population comme si chaque jeune avait été choisi aléatoirement. Or, effectuées en groupe dans des écoles sélectionnées et coopérantes, elles ne respectent généralement pas cette condition. En outre, elles présentent effectivement des biais majeurs.

Tous les jeunes de la population cible ne sont pas touchés, notamment ceux qui ne sont pas scolarisés, ou ceux qui délaissent volontairement l’école. Ce segment peut être important et présenter des comportements ou opinions complètement divergents dans de nombreux domaines, par exemple pour les questions de consommation.

Dans la mesure où les enquêtes sont organisées collectivement, un certain nombre d’entre elles ne peuvent qu’être influencées par la culture de l’école et l’effet de classe, sans qu’on puisse identifier, isoler, puis corriger ce biais dans les résultats. Les élèves assis côte à côte s’observent ou communiquent et leurs réponses peuvent en être tronquées.

Les écoles sont, en outre, libres de participer ou non aux enquêtes. On peut penser que le directeur d’une école dans laquelle se posent certaines questions de consommation de drogue va dès lors les refuser. Les attitudes selon les réseaux d’enseignement (libre, officiel…) sont également variables. La sélection n’est donc plus du tout aléatoire. La direction va en outre désigner la ou les classes où seront menées les enquêtes. Les consignes données (ou non) au préalable par l’établissement aux élèves sont incontrôlables.

Enfin, aucun contrôle de passation n’est possible, le professeur qui supervise le déroulement de ces sondages n’étant pas un professionnel de cette matière. Sans compter qu’il souhaite sans doute aussi donner une image positive de sa classe ou de son école.

Les résultats obtenus ne sont donc pas généralisables ?

Disons que ces biais importants peuvent faire glisser les résultats obtenus dans des directions incontrôlables. Les conclusions que l’on peut en tirer ne permettent pas d’être certain qu’elles soient applicables à l’ensemble de la population, ni représentatives des phénomènes réels dans le pays. Des techniques valides existent pour interroger des jeunes, mais elles sont coûteuses. C’est pourtant le prix à payer pour une information de qualité quand les enjeux l’exigent.

ENTRETIEN : LAURENCE VAN RUYMBEKE

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