Tournai, la sinistrée

Guy Verstraeten
Guy Verstraeten Journaliste télé

Durement frappée durant la Seconde Guerre mondiale, la ville au cinq clochers a payé à l’époque pour ce qui fait aujourd’hui sa force : sa position géographique centrale.

Elle a souffert, Tournai. Plus que d’autres. Pilonnée les 16, 17 et 18 mai 1940 par l’aviation allemande, la cité aux cinq clochers paie sa situation géographique. Carrefour routier et ferroviaire, la ville doit par sa destruction, ses gravats, son exode, son chaos, perturber l’organisation défensive des Anglais. Le n£ud militaire est frappé de plein fouet. Une centaine de tués. Et la cathédrale qui se dresse, véritable miraculée, au c£ur d’un site complètement ravagé. îuvre communale d’aide aux sinistrés, secours civils, assistance publique, Croix-Rouge : les institutions d’entraide se mettent peu à peu à l’£uvre pour panser les séquelles de la catastrophe et aider les milliers de délogés qui en résultent. Sans compter les ouvriers privés d’emploi et bientôt obligés, pour survivre, de s’engager à déblayer les montagnes de gravats.

En juin 1940, un mois après les bombardements, la reine Elisabeth viendra d’ailleurs marquer son soutien à cette population tournaisienne durement touchée par la guerre.  » De ville d’importance peuplée de 33 000 habitants, Tournai s’est alors muée en ville fantôme pendant plusieurs semaines. Petit à petit, la population est revenue, mais le centre-ville a été complètement dévasté et en grande partie déserté jusqu’à la fin de la guerre « , confie le responsable du secteur documentation au Ceges/Soma (Centre d’études et de documentation Guerre et Sociétés contemporaines), l’historien Fabrice Maerten. Lequel s’est appuyé notamment sur les travaux de Raymond Bonnet ( Le Calvaire d’une petite ville. Tournai pendant la guerre 40-45), d’Yvan Gahide ( Tournai sous les bombes) et d’Etienne Verhoeyen ( Un groupe de résistants du Nord-Hainaut : la phalange blanche) pour affiner son analyse.

A l’entame du conflit, la ville est gérée par une coalition libérale-socialiste dirigée par l’avocat libéral Emile De Rasse : la fuite rapide des édiles locaux permettra au catholique Louis Casterman, conseiller communal de l’opposition, de prendre les rênes de Tournai. Toléré par les Allemands et les rexistes, même après le retour de De Rasse, Casterman administrera la ville pendant le reste des hostilités. La cité n’est pourtant en rien prorexiste, ni proallemande. Les collaborateurs sont rares. C’est à Tournai, par ailleurs, qu’aura lieu le premier attentat politique belge pendant la guerre : le 17 septembre 1941, le chef du cercle rexiste Paul Gérard est abattu par des membres de la Phalange blanche, groupe de résistants aux contours un peu flous. L’assassinat de deux policiers allemands dans la foulée, toujours par ce même groupe, va aboutir au durcissement des positions allemandes, sous l’instigation d’Alexander von Falkenhausen (gouverneur militaire du pays) lui-même.

Cela dit, 1941, c’est aussi l’année où la vie va tout doucement reprendre son cours au c£ur du Hainaut occidental :  » Centre névralgique en termes de transport, Tournai va vite se muer en une espèce de capitale du marché noir. La gare, de ce point de vue, revêtira une importance primordiale : il ne faut pas oublier qu’on se situe au milieu de zones agricoles, en plein dans une période où le rationnement était drastique. Les fermiers vont en prendre leur parti. Des gens de Bruxelles venaient même en train jusqu’à Tournai pour se ravitailler, ce qui entraînait un petit commerce autour de la gare dont on garde encore pas mal de traces photographiques « , poursuit Fabrice Maerten. Quelques années plus tard, cette même gare subira les foudres… américaines cette fois. Toujours aussi importante sur le plan stratégique, la situation géographique de Tournai sera à l’origine du bombardement du 10 mai 1944. L’objectif ? Perturber les éventuels renforts allemands en vue du fameux D-Day, le jour du débarquement de Normandie. Là encore, une centaine de Tournaisiens y laisseront la vie. Quelques mois avant le bout du tunnel.

GUY VERSTRAETEN

LE NîUD MILITAIRE EST FRAPPÉ DE PLEIN FOUET

 » TOURNAI VA SE MUER EN CAPITALE DU MARCHÉ NOIR « 

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