Théocratie nucléaire

Est-ce irrémédiable ? N’y a-t-il plus rien à faire pour éviter l’accession de l’Iran à l’arme atomique et la profonde déstabilisation internationale qui s’ensuivrait ?

Tout incite à le craindre et, d’abord, le fait qu’on sache, à Téhéran comme partout, que les Etats-Unis sont bien trop occupés en Irak pour envisager une intervention en Iran et qu’ils ne pourraient plus, surtout, la justifier par la menace de prolifération des armes de destruction massive – pourtant bien réelle cette fois-ci.

Les Israéliens, quant à eux, n’ont guère envie d’envenimer encore leurs relations avec l’islam en se chargeant d’aller bombarder les sites iraniens. Cette opération serait, de toute manière, aléatoire, car la République islamique a dispersé et enterré ses centres de recherches et l’Iran, enfin, tient à la bombe.

Il la veut plus que jamais, car les Etats-Unis se sont installés en Irak et en Afghanistan, leur alliance avec les Turcs et les Saoudiens demeure solide, le Pakistan, autre allié de Washington, dispose d’armes atomiques, et l’Histoire n’a pas laissé à l’Iran de bons souvenirs de la Russie, son voisin du nord.

Où qu’ils regardent, les Iraniens se sentent encerclés, et cela d’autant plus que l’ancienne Perse, le bastion du chiisme, assiste à la montée de l’islamisme sunnite dans les pays arabes avec tout autant d’inquiétude que l’Occident.

Entre la force de cette raison d’Etat, la fenêtre d’opportunité que la crise irakienne offre à ce régime et sa volonté, bien sûr, d’assurer sa pérennité, la marche nucléaire de l’Iran paraît irrépressible, mais tout n’est, pour autant, pas joué.

Car tous les dirigeants iraniens n’ont pas la même vision de leur intérêt national. Entre l’actuel président de la République, Mahmoud Ahmadinejad, et les anciens présidents Rafsandjani et Khatami, il y a plus que les nuances qui divisent, à Téhéran, toute la classe politique.

Le premier veut bunkériser le pays et redonner la main à l’Iran sur tous les radicaux du monde arabo-musulman en tenant tête aux  » judéo-croisés  » et en diabolisant Israël.

Rouage essentiel du régime, le deuxième voudrait trouver un modus vivendi avec les Etats-Unis afin de conforter la position régionale de l’Iran et d’assurer son décollage économique.

Quant au troisième, politiquement marginalisé mais intellectuellement influent, il prône l’organisation d’un  » dialogue des civilisations  » entre l’Europe et l’Iran qui ouvrirait la voie à un aggiornamento de l’islam dont les chiites sont infiniment plus près que les sunnites.

Tandis que Mahmoud Ahmadinejad invective l’Occident, d’autres signaux parviennent donc de Téhéran, où l’isolement croissant de l’Iran inquiète beaucoup de dignitaires, jusqu’au plus haut niveau de la hiérarchie religieuse. Le problème est qu’on ne parviendra pas à défaire l’écheveau nucléaire sans donner à l’Iran des garanties sur sa sécurité régionale, l’inquiétude commune de ses dirigeants. Tout reste à faire. l

Bernard Guetta

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