Tempête, triomphe, bisbille et grains de sable…

Ecolo et le Vlaams Belang sont les deux principales victimes des élections. L’avenir s’annonce rose pour le FDF d’Olivier Maingain, tandis que des secousses internes sont à prévoir au CDH. Quant au PS et au MR, ils sont désormais sous le feu du PTB et du PP. Voici cinq enjeux essentiels pour l’après-25 mai.

1. Ecolo dans la tempête

De mémoire d’écologiste, on n’avait plus connu défaite aussi cuisante depuis la funeste année 2003. De l’histoire ancienne, croyait-on chez les Verts. Depuis lors, le parti ne s’était-il pas professionnalisé, renforcé, ressoudé ? Ne s’était-il pas débarrassé de ses éléments les plus incontrôlables ? Exit les Paul Lannoye, Vincent Decroly, Germain Dufour, Bernard Wesphael… Cette évolution n’a pas empêché Ecolo de dévisser le 25 mai. Au terme d’une participation aux exécutifs régionaux parfois chahutée, il n’a convaincu que 8 % des Wallons et 10 % des Bruxellois.

Un tel ressac entraînerait, dans la plupart des partis, la preste démission du président. Pas chez Ecolo, semble-t-il. Emily Hoyos et Olivier Deleuze ont annoncé qu’ils n’entendaient pas quitter la direction du parti. Et face à eux, personne ne conteste leur leadership. D’ailleurs, qui pourrait les remplacer ? Jean-Michel Javaux ne semble plus intéressé par le poste. Avec un score riquiqui en Hainaut (moins de 8 000 voix), Jean-Marc Nollet n’est pas en mesure d’organiser une mutinerie.  » Cette fois, il peut faire une croix sur le rêve qu’il a depuis dix ans, devenir président d’Ecolo « , grince un observateur. En réalité, au lendemain de la défaite, l’état-major vert ne craignait la réaction que d’un seul homme, le député européen Philippe Lamberts. Depuis plusieurs années, celui-ci enjoint Javaux, Nollet, Hoyos et Cie à adopter une ligne plus radicale, plus nettement marquée à gauche.  » Mais lundi, au bureau du parti, il n’a pas moufté « , indique-t-on. A l’Europe, la liste qu’il conduisait a obtenu un score faible, mais néanmoins supérieur au reste d’Ecolo : 11,7 %.

2. Le Vlaams Belang broie du noir

Il y a tout juste dix ans, au scrutin régional de 2004, il captait 24 % des voix flamandes, devenait de fait le premier parti au nord du pays et faisait trembler la Belgique entière. Une décennie plus tard, le Vlaams Belang de Gerolf Annemans et de Filip Dewinter n’est plus que l’ombre de lui-même : il a trouvé son maître, la N-VA. Il sort lessivé du triple rendez-vous électoral simultané du 25 mai : réduit de 12 à 3 députés fédéraux, de 21 à 6 élus au parlement flamand.

La Flandre a tourné le dos à l’extrême-droite séparatiste. Pour de bon ? En politique, il ne faut jamais dire jamais.  » Si la N-VA entre au gouvernement fédéral et ne peut concrétiser son programme de Changement, le ciel peut à nouveau se dégager pour Annemans et les siens « , estiment les politologues Bart Maddens et Jef Smulders (KUL). Pour autant que le VB ait les moyens financiers de supporter sa traversée du désert. Sa déroute électorale, qui va lui faire perdre plus de la moitié de sa dotation publique annuelle (de 4,5 à 2 millions d’euros), va le contraindre à puiser dans ses réserves.  » Le scrutin de 2019 risque d’être une question de vie ou de mort pour le parti.  »

3. CDH : Benoît qui rit, Joëlle qui pleure

Benoît Lutgen peut se réjouir. En Wallonie, le CDH est redevenu le troisième parti de la Région, profitant de la dégringolade d’Ecolo. Il reste donc un  » faiseur de roi  » potentiel, en soutien du PS, voire du MR – mais une telle majorité de centre-droit ne tiendrait qu’à un fifrelin (un demi-siège). A titre personnel, le président s’envole littéralement dans son canton de Bastogne où il dépasse allègrement les 50 %. Un score stalinien, qui devrait le renforcer à la tête du parti. A moins qu’il ne privilégie à nouveau un mandat ministériel, laissant le champ libre à la présidence pour Maxime Prévot : le bourgmestre de Namur a lui aussi réalisé un score personnel canon, faisant progresser son parti de plus de 2 % dans son arrondissement.

A Bruxelles, la situation est plus contrastée. Le CDH perd 3 % et deux sièges au parlement régional. La vice-Première ministre fédérale Joëlle Milquet, propulsée à contrecoeur tête de liste, réalise un beau score personnel (autour des 20 000 voix de préférence) mais est devancée par les têtes de liste FDF et MR, Didier Gosuin et Vincent De Wolf. Furieuse, celle-ci a attribué sa défaite au plan de survol aérien de Bruxelles… concocté par le secrétaire d’Etat CDH Melchior Wathelet, proche de Benoît Lutgen. Entre l’ancienne présidente et le nouveau, le torchon brûle.

4. Le FDF a réussi sa rupture avec le MR

C’était une fameuse prise de risque. Le 25 septembre 2011, le conseil général du FDF décide de rompre la fédération avec le MR, estimant les francophones trahis par la sixième réforme de l’Etat. Le petit parti communautaire se retrouve seul, sans dotation publique, confronté à la délicate mission de se refaire un nom et une identité en moins de trois ans. Outre son opposition aux avancées institutionnelles, le FDF met en avant le libéralisme social et ose un discours vérité sur le plan socio-économique.

Résultat ? Le pari est réussi pour la formation d’Olivier Maingain : dimanche, le FDF est devenu le troisième parti bruxellois avec plus de 15 % et douze sièges. Ensemble, MR et FDF engrangent six sièges de plus au parlement régional qu’en 2009. Il n’en faut pas plus pour que les ténors du parti fassent acte de candidature pour la participation à un gouvernement régional, dans lequel il pourrait jouer le rôle de pivot. Une alternative au CDH de Joëlle Milquet, sanctionné en raison du plan de survol de Bruxelles… qui avait été durement attaqué par le FDF, même si l’axe PS-CDH tiendrait la corde.

Seuls bémols : le FDF perd un siège à la Chambre (deux, contre trois précédemment) et n’a pas – encore ? – réussi son implantation en Wallonie : il ne décroche qu’un maigre 2,53 % au sud du pays, et aucun élu.

5. Les petits partis perturbent le jeu

Nouveauté : des élus de la gauche marxiste et de la droite dure siégeront dans les parlements issus des élections du 25 mai. La vague annoncée des petits partis est néanmoins restée relativement contenue. En apparence, du moins… Car les chiffres globaux masquent des résultats locaux parfois impressionnants. Le PTB rafle ainsi 21 % des voix à Herstal, où il est désormais le deuxième parti. Grâce à son charismatique porte-parole, Raoul Hedebouw, il obtient aussi 16 % à Seraing, 11 % à Liège, 9 % à Charleroi et à La Louvière. Le Parti populaire, fondé par Mischaël Modrikamen, réalise lui aussi, çà et là, des percées significatives (7 % à Verviers, notamment). A l’Europe, la liste emmenée par l’ex-présentateur météo Luc Trullemans a séduit plus de 145 000 électeurs, soit 6 % du corps électoral.

Cette nouvelle donne marque aussi, peut-être, le début d’ennuis sérieux pour les socialistes et les libéraux. Au cours de la prochaine législature, dans les parlements régionaux comme à la Chambre, le PS sera constamment attaqué sur sa gauche par le PTB. Même souci pour le MR, désormais dans le viseur du PP.

Quant au mouvement Debout les Belges créé par Laurent Louis, il n’obtient pas d’élu, mais son discours antisystème a trouvé un écho dans de nombreuses poches déshéritées du Hainaut : il recueille plus de 7 % des voix à Châtelet, plus de 6 % à Quaregnon, Colfontaine et Boussu, plus de 5 % à Farciennes. Avec 5,1 % à Charleroi et 4,3 % à Mons, il s’est même offert le luxe de s’incruster dans le jardin de Paul Magnette et d’Elio Di Rupo. Ces chiffres devraient conduire l’ensemble des partis traditionnels à un nécessaire examen de conscience. Sous peine d’un retour de boomerang en 2019.

Par François Brabant, Pierre Havaux et Olivier Mouton

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