Après trente mois d’immobilisme, la Banque centrale européenne relève son principal taux d’intérêt. Un geste surtout symbolique
C’est la fin d’un régime d’exception. La Banque centrale européenne (BCE) vient de relever son principal taux directeur de 0,25 point. Depuis juin 2003, l’institution prêtait l’argent aux banques commerciales à un taux historiquement bas de 2 %. L’économie, malmenée par les suites des attentats du 11-Septembre, par les scandales boursiers révélés aux Etats-Unis et ailleurs, et par la hausse des prix pétroliers, avait besoin d’oxygène. Pour éviter que le bateau de la croissance ne coule, la BCE avait inondé le marché… de liquidités en facilitant largement l’accès au crédit, tant pour les consommateurs que pour les entreprises. Le gros de la houle est désormais passé. L’économie reprend vigueur, même si l’Europe est plus lente à se rétablir que les Etats-Unis. La BCE peut donc lever le pied.
La banque a même jugé qu’elle devait intervenir, vu la hausse continue de l’inflation (l’augmentation des prix), dopée par le coût des produits pétroliers. Elle devrait grimper de 2,1 % l’an prochain, puis redescendre à 2 % en 2007. Or la BCE, qui a pour mission essentielle de veiller sur la stabilité des prix, ne supporte l’inflation que si elle reste inférieure à 2 %. Le président de l’institution, Jean-Claude Trichet, et son équipe ont donc opté pour un léger relèvement de taux, afin d’éviter que l’économie ne s’emballe et que les prix dérapent. En rendant l’argent plus cher, ils comptent bien éviter une spirale d’augmentation des prix et des salaires.
Le geste n’a pas convaincu tout le monde : certains redoutent que cette hausse des taux étouffe l’économie et casse la timide reprise. La croissance aurait progressé de 1,4 % cette année en Europe et devrait atteindre 1,9 % en 2006. Mais cette modification de taux est tellement modeste que ce risque n’est guère crédible. D’autant qu’elle n’augure pas une série de relèvements successifs et que le taux en vigueur reste nettement inférieur à celui qui se pratique aux Etats-Unis (4 %), par exemple. Les conditions de crédit restent donc tout à fait accessibles.
En attendant, la BCE, qui passait pour amorphe aux yeux des plus critiques, s’est rappelée à leur bon souvenir. Tout en faisant la preuve de son indépendance par rapport au pouvoir politique. Un signal ?
Laurence van Ruymbeke