Super Jamie

Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Avec Twentysomething, le jeune Anglais Jamie Cullum amène son increvable show scénique de pianiste-chanteur survolté. Rencontre parisienne

CD/SACD Twentysomething, chez Universal, en concert, en Belgique, à l’automne.

Il y a un type en dessous du piano à queue qui martèle frénétiquement le bas de caisse de ses talonnettes : notez bien que chaque coup de pied marque parfaitement le temps, avec un sens aigu de la sonorité boisée. On espère seulement que le loueur n’est pas dans la salle. Tout à coup, le lutin remonte au clavier et entame une version inédite du Wind Cries Mary d’Hendrix, tordant son visage de grimaces multiples, brûlant l’alignement affolé des noires et des blanches. Cela fait une bonne heure déjà que Jamie Cullum, 23 ans, entretient, en trio, les spectateurs de La Boule Noire parisienne de son show carnavalesque où le jazz semble être le prétexte à une fête vitaminée, le clavier servant autant de victime que de complice à des libations entre bop et pop. Génuflexions, numéros d’équilibriste en tout genre sur l’instrument, transpiration, émotion, dextérité : on comprend que les  » puristes du jazz  » exigent l’exil permanent de Jamie, mais que d’autres crient à la révélation dépoussiérante.

De mère birmane, mais né dans l’Essex et  » aussi anglais que vous pouvez l’imaginer « , Jamie Cullum n’est cependant pas le dernier zozo british de service. En scène, il a le culot de son talent, ouvrant le concert a cappella avec un morceau de Cole Porter et reprenant avec élégance et force irrespect des titres de Jeff Buckley, Radiohead ou des Who. Respectivement, une émouvante version de Lover, You Should Have Come Over, un astucieux High and Dry sous perfusion reggae et une relecture bluesy du My Generation où Jamie incarne un grandiose Keith Moon du clavier.  » En fait, si bizarre que cela puisse paraître, ce sont les chansons qui vous choisissent. Je ne reprends un morceau que si j’ai une idée, un concept : pour Wind Cries Mary, j’ai rêvé qu’Hendrix était à La Nouvelle-Orléans avec Dr John et que tous deux se baladaient au son de fanfares de rue. Ma version vient de là.  » Biberonné au hard rock et au rap, Jamie Cullum découvre le jazz via les samples des productions hip-hop :  » Pour moi, le jazz constitue une fantastique plate-forme pour faire ce dont j’ai envie, que ce soit des chansons de trois ou de dix minutes, mes compositions ou celles des autres. Mon disque actuel ne reflète pas encore véritablement ce sentiment, j’ai l’impression de ne gratter que la surface de ce que je veux faire. Tout ceci n’est pas de la  » vieille musique « , mais quelque chose de neuf.  »

Largement autodidacte, Jamie a utilisé deux premiers albums û autoproduits û comme temps de chauffe. Le nouvel opus Twentysomething lui a valu d’être signé par la branche anglaise de Universal, au répertoire Classics & Jazz. Un million de livres sont mis sur la table pour enregistrer et promouvoir le disque produit par le New-Yorkais Stewart Levine (Simply Red, Lionel Richie) qui concocte un univers chaud et analogique, cotonneux et vivifiant, donnant à Twentysomething toutes les chances de réaliser un carton mondial. Outre-Manche, les ventes affichent déjà des scores étourdissants û 650 000 exemplaires vendus depuis octobre 2003 û et, par ses shows boulimiques à la Jerry Lee Lewis jazzy, Jamie devient rapidement une coqueluche british. S’il cause encore trop en concert û et ralentit inutilement le rythme du show û, son occupation de l’espace, la qualité tout-terrain de sa voix et de son jeu fervent, ses propres compositions justifient une large reconnaissance. Sa personnalité atypique également, lui qui refuse  » l’arrogance et l’anglocentrisme de ses compatriotes  » :  » Les Anglais ne connaissent rien à la bonne nourriture, au vin, aux langues étrangères, à ce qui se passe internationalement. Avec les Etats-Unis, on a toujours l’impression d’être la paire qui mène le monde, ce qui ne saurait être plus éloigné de la vérité ! J’aime la culture anglaise, mais elle ne serait pas ce qu’elle est sans l’influence des autres cultures. C’est pour cela que j’aime voyager : j’ai eu des copines dans différents pays, je me suis soûlé dans différentes villes, mais j’ai encore pas mal de chemin à faire.. « . CQFD.

Philippe Cornet

 » Par ses shows boulimiques, Jamie est devenu rapidement une coqueluche british  »

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