Sous le couvercle du couvre-feu

Instauré il y a un peu plus d’un an autour des bars situés sur les quais et dans le quartier Saint-Pierre, le couvre-feu semble avoir tranquillisé ce périmètre. Mais la criminalité s’est déplacée. Les autorités entendent bien prendre la problématique festive à bras-le-corps. Mais elles manquent de moyens.

Paru à la fin du mois de février, le bilan 2012 de la zone de police de Tournai laisse apparaître un léger mieux. Mais des points d’ombre persistent en termes de sécurité. C’est un sujet qui a alimenté la campagne des élections communales après avoir rythmé toute l’année 2012. Manque de policiers, absence de caméras, fermeture tardive des cafés, éclairage insuffisant, voire absent dans certaines rues… Les failles sécuritaires au sein de la cité de Clovis sont pointées du doigt depuis plusieurs années déjà.

Sa proximité avec la frontière française et la concentration de dancings, parfois situés le long d’axes routiers, rendent Tournai particulièrement sujette à la petite criminalité. La situation s’est aggravée et a atteint son apogée en novembre 2011, quand de violentes bagarres, parfois qualifiées d’émeutes, ont éclaté place Saint-Pierre et quai Marché aux poissons. Depuis cette date charnière, la situation s’est plus ou moins stabilisée : davantage d’actions policières ont été menées sur le terrain et les bistrots situés quais de l’Escaut sont obligés de fermer plus tôt, en vertu d’un couvre-feu.

Selon les chiffres de 2012 fournis par la police de Tournai, si les faits de coups et blessures (-5,1 %), les vols de véhicules (- 21,9 %) et les actes de vandalisme (-16,7 %) diminuent, les vols avec effraction dans les bâtiments (+21 %), les vols avec violence sur la voie publique (+0,6 %) et les vols à l’étalage (+17,7 %), eux, sont en hausse.  » Sur cinq ans, la criminalité a augmenté de manière dérisoire, indique Philippe Hooreman, commissaire divisionnaire de la zone de police de Tournai. Nous sommes dans la moyenne, et avons même un taux de criminalité inférieur à celui de Mons. Les phénomènes d’insécurité sont indéniables mais il n’y a pas matière à tomber dans le catastrophisme.  »

Un avis que ne partage pas tout à fait Pol Baudru, président des Amis de la citadelle, une association qui conserve et met en valeur le patrimoine militaire tournaisien.  » Malgré les beaux restaurants de la place Saint-Pierre et du quai Taille-Pierre, je n’ose plus y aller. Je crois que la police fait ce qu’elle peut pour lutter contre la criminalité avec le couvre-feu mais, comme dans toute action, il y a des limites.  »

Bars, dancings et night shops dans le collimateur

Depuis un an et demi, la police et les autorités communales tentent vaille que vaille de tordre le cou à la petite criminalité qui sévit à Tournai. Et s’attaquent frontalement à la vie festive, comme l’ont déjà fait Ath, Mouscron ou Mons.  » Nous avons limité les horaires d’ouverture des établissements festifs situés dans le quartier Saint-Pierre et sur les quais. En semaine, ils doivent fermer à 1 heure et le week-end à 3 heures, au lieu de 5 heures auparavant « , poursuit Philippe Hooreman.

L’ordonnance a permis de tranquilliser le périmètre visé mais a aussi eu pour conséquence de déplacer la criminalité et de la voir augmenter parfois de 250 % dans d’autres quartiers.  » Désormais, les appels pour bagarres et les vols avec violence sur la voie publique ont lieu de minuit à 7 heures dans les quartiers de la place de Lille, Bas Quartier et Grand-Place, là où les cafés sont encore ouverts jusqu’à 5 heures.  » Le couvre-feu actuellement en vigueur court jusqu’au mois de juin, mais Paul-Olivier Delannois, bourgmestre PS faisant fonction, compte bien proposer un nouveau texte au conseil communal d’ici là.  » Dans les mois à venir, l’idée est de ne plus discriminer les commerçants du quartier Saint-Pierre et des quais mais d’uniformiser le dispositif sur l’ensemble du territoire intra et extra-muros. Continuer à donner des dérogations à certains cafetiers et pas à d’autres n’a pas de sens.  »

En parallèle, l’échevin délégué à la fonction maïorale, en tandem avec le nouveau bourgmestre empêché Rudy Demotte (PS), espère obtenir plus de mainmise sur les dancings situés sur la commune.  » Via un courrier envoyé à différents bourgmestres, nous espérons pouvoir changer la donne au niveau fédéral et demandons à fermer les boîtes de nuit plus tôt, comme pour les cafés. Si les discothèques échappent à la règle, le problème de conduite sous influence ne sera pas résolu. Il faut apprendre à nos jeunes à sortir plus tôt, sinon les accidents entre des particuliers et des jeunes sortant de boîte à 8 heures continueront à se produire.  »

Une vigilance accrue autour des night shops va également être maintenue en 2013.  » Certains ne respectent pas l’interdiction de vendre de l’alcool après 22 heures, donc, si besoin, nous en fermerons temporairement certains, comme nous l’avons fait en décembre dernier avec deux établissements qui avaient récidivé.  »

Plus d’effectifs et un système de caméras

Avec la zone de police la plus vaste de tout le royaume (315 km²), frontalière avec la France et possédant des moyens budgétaires limités, les policiers tournaisiens ne chôment pas. Depuis 2001, date de la mise en place de la zone, les syndicats policiers dénoncent le manque chronique d’effectifs.  » Nous comptons actuellement 231 hommes sur le terrain, soit 11 de moins que ce qu’il faudrait pour atteindre la norme KUL (NDLR : clé de répartition de la capacité policière entre les communes) qui, au passage, est totalement dépassée, développe Philippe Hooreman. Nous avons recruté quatre nouveaux agents en janvier dernier qui ont permis de renforcer les patrouilles à pied. Nous comptons encore en embaucher de nouveaux dans les trois ans.  »

En plus d’embaucher progressivement de nouvelles recrues au sein des forces de l’ordre, les autorités communales veulent aussi installer des caméras.  » Avec Rudy Demotte et le commissaire divisionnaire Philippe Hooreman, nous sommes allés, début mars, à la préfecture de police de Paris pour voir comment fonctionnait le système de caméras évolutif, en place depuis 2011, annonce Paul-Olivier Delannois. Elles permettront de conclure des enquêtes et d’avoir une certaine fonction préventive, sans pour autant éviter le carnage, car elles ne remplaceront jamais des hommes.  »

Lutte contre la délinquance, les violences urbaines ou résolutions d’accidents, la portée du dispositif à venir sera considérable. Les lieux destinés à bénéficier de ces nouveaux équipements sont en discussion, mais on évoque déjà l’axe majeur de la ville, le périmètre allant de la place de Lille à la gare, le quartier festif, la rue Royale et les quais. Actuellement en cours de préparation, le plan zonal de sécurité 2014-2017 comptera notamment trois priorités actuelles : la lutte contre les stupéfiants en milieu festif, les nuisances de quartier liées à la vie nocturne, les accidents de voiture dus à la vitesse ainsi que la conduite sous influence. ?

Annabelle Duaut

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire