S’offrir une seconde résidence en Ardenne

Longtemps recluse, l’Ardenne s’est révélée au tourisme de santé fin du XIXe siècle, à celui de masse dans les années 1950 et aux seconds résidents depuis 1980. Ce segment du marché immobilier s’est essoufflé fin 2005 et reprend aujourd’hui.

La Belgique compte deux grandes zones touristiques : le littoral et l’Ardenne. C’est même ensemble que, désormais, leurs fédérations dévoilent, chaque année aux médias, le menu qu’elles comptent présenter aux touristes. Et aux nombreux seconds résidents qu’elles chouchoutent – non sans les taxer – pour ce qu’ils apportent comme vitalité économique et immobilière. Sur le littoral, cet immobilier est ostensible, réparti sur 66 kilomètres et une quinzaine de stations. En Ardenne, il est plus diffus, étalé sur 4 provinces – Luxembourg et Liège pour la majeure partie, Namur et un petit bout du Hainaut – et une trentaine de communes. Une des raisons, sans doute, pour laquelle il est moins médiatisé.

Au singulier…

L’Ardenne belge se décline au singulier. Et se qualifie d' » authentique « . Au pluriel, les Ardennes sont françaises. Quel que soit son genre, le terme est mythique et, donc, vendeur. D’un côté comme de l’autre de la frontière, il signifie tour à tour  » nature  »  » forêts « ,  » ressourcement « ,  » art de vivre « ,  » accueil « ,  » gastronomie « … Tel est en résumé la conclusion de l’enquête réalisée par le cabinet parisien CoManaging sur le profil identitaire de l’Ardenne. Un terme tellement porteur – plus que celui de  » Gaume  » ou de  » Famenne  » – qu’il en est galvaudé, étiré vers le sud, tiraillé vers l’est et l’ouest, chacun essayant de profiter de l’appellation.  » Ce qui ne se conteste pas, sourit René Collin, député au Tourisme de la province de Luxembourg, c’est que l’Ardenne est délimitée au nord par la Famenne, au sud par la Gaume et la Lorraine. « 

Longtemps enclavée, protégée par son relief, la densité de son massif forestier et de ses zones humides, l’Ardenne est sortie de son isolement et s’est révélée au tourisme fin du XIXe, début du XXe siècle grâce au chemin de fer et aux voies routières. Et dès 1936, au grand public des nouveaux congés payés. Amateurs de bon air, de campagne et de promenades ont été séduits par ses paysages ondulés, ses vues panoramiques et, surtout, les méandres de ses rivières.  » Jusque dans les années 1970, explique René Collin, il était de tradition de descendre à l’hôtel ou dans les quelques campings familiaux. Dans les années 1980, un nouveau type de tourisme est apparu, rural, et de nouveaux hébergements que sont les maisons d’hôtes et les gîtes. Je pense que le phénomène des secondes résidences, qui a débuté dans les années 1950, s’est amplifié à la même époque.  » Séduisant Wallons, bien sûr, Bruxellois, aussi, Flamands et Néerlandais surtout.

Aujourd’hui, sur la seule province de Luxembourg, on recense 9 300 secondes résidences et près de 1 200 chalets dans l’un des villages de vacances. En y ajoutant celles et ceux des trois autres provinces, on doit friser les 15 000.

L’Ardenne n’en est toutefois pas équitablement pourvue. Les plus fortes concentrations sont localisées dans les régions qui profitent de deux tracés : celui d’une rivière (l’Ourthe, l’Aisne, la Lesse, la Semois, la Sûre, l’Amblève…) et celui d’une autoroute ou assimilée (E 411, E 25, E 42, Nationale 4…). Pour preuve : Durbuy, sur l’Ourthe, réunit sur son territoire 17 % des secondes résidences et villages de vacances de la province de Luxembourg ; Rendeux, La Roche et Houffalize, le long du même cours d’eau, en rassemblent, respectivement, 8,5, 7 et 4,5 % ; Vielsalm, sur la Salm, en compte 7 %, Erezée, sur l’Aisne, 6,5 %, et Bouillon, sur la Semois, 6 %. Toutes des communes aisément accessibles.

… tout en étant plurielle

Pour Valérie Geron, responsable marketing du site Internet de location de vacances Ardennes-Etape,  » il y a deux zones très courues : la vallée de l’Ourthe, de Vielsalm à Hotton, dont le succès est tiré par les activités outdoor ; et puis, les cantons de l’Est, très actifs et très professionnels en matière de promotion. Toutes deux sont très accessibles. Et en hiver, il y a bien plus de neige que partout ailleurs. L’Ardenne namuroise autour de Vresse-sur-Semois, commence à bouger et à avoir son petit succès. Le sud de la province de Luxembourg aussi.  »

Paul Etienne, de l’immobilière des Ardennes (Vielsalm) fait quasiment la même analyse, mais en se permettant d’être plus… partial.  » La colonne vertébrale, c’est l’autoroute Liège-Bastogne, décrit-il. A droite, La Roche, Durbuy… A gauche, à cheval sur les provinces de Luxembourg et de Liège, de la Baraque de Fraiture à la Baraque Michel, Vielsalm, Lierneux ou Trois-Ponts, jusqu’à Spa et Malmedy. Ici, un tourisme de masse, des campings, des villages de vacances et peu d’échanges avec la population locale. Là, le jardin du Benelux -qui aimerait le rester -, une région moins peuplée, un climat plus rude. Mais de l’espace ! Les seconds résidents participent activement à la vie locale, s’installent parfois définitivement… L’immobilier y est, comparativement plus cher, mais plus grand, plus authentique.  » Et en deçà de Saint-Hubert ?  » Une autre topographie, ajoute-t-il, d’autres forêts, quasiment un microclimat, alors qu’au nord les saisons sont plus marquées. « 

Le public le plus assidu de l’Ardenne est néerlandophone. A nouveau, les chiffres parlent, même s’ils datent un peu.  » En 2006, 38 % des propriétaires de secondes résidences en province de Luxembourg étaient flamands, indique René Collin, 14 % bruxellois et 10 % néerlandais.  » Un dernier chiffre qui, avant 2005, était plus important (voir l’encadré page 46).  » Mais 10 %, cela reste très significatif, poursuit-il. Certains Néerlandais ont quitté l’Ardenne, d’autres ont décidé de s’y installer de manière permanente. C’est un phénomène plus courant qu’on ne l’imagine.  » Dans la moyenne Ardenne et en Gaume, que d’aucuns jugent plus porteur de l’y assimiler, les seconds résidents sont français et, parfois, luxembourgeois. Mais partout, bien entendu, ils sont aussi wallons. Et très souvent du cru, propriétaire de gîtes et autres locations.

Comme dans le reste du pays, l’immobilier ardennais a souffert de la crise. Et même plus tôt, dès 2005. Des secondes résidences ont été remises en masse sur le marché. Pour des raisons économiques, fiscales, personnelles…  » Energétiques aussi, complète Jean-Marc Pierrot, d’Immo Semois & Lesse (Bouillon). Les distances, ici, c’est quelque chose. Il faut souvent faire 20 kilomètres pour trouver un magasin, une pharmacie… Et 10 kilomètres pour atteindre le village voisin. Des déplacements qui ont effrayé plus d’un citadin.  » La demande n’a pas suivi. Hormis celles des locaux qui, enfin, pouvaient espérer ne pas devoir se mesurer à une concurrence moins regardante sur l’aspect financier. Car ce qui fait la seconde résidence, ce n’est pas l’immeuble, c’est l’occupant.  » Beaucoup de gens envisagent, pour seconde résidence, une maison qui pourrait être destinée à une première résidence, confirme le notaire Frédéric Dumoulin, de Durbuy. Peut-être dans l’optique de s’y domicilier plus tard.  »  » La fermette ou le chalet, c’est le rêve de beaucoup de candidats-acquéreurs, conclut Claude Barthazard, d’Ardennes Immo (La Roche). Mais ils n’ont pas de critères hyper-définis. Juste des idées qui se concrétisent quand ils voient tel ou tel bien. Ce qui est sûr, c’est que l’Ardenne, même si le terme est galvaudé et si tout le monde se prétend ardennais, c’est une plus-value. Et c’est clair qu’on vend d’abord l’Ardenne avant de vendre une seconde résidence. « 

FRÉDÉRIQUE MASQUELIER ET CHARLOTTE MIKOLAJCZAK

 » Beaucoup de gens envisagent, pour seconde résidence, une maison qui pourrait être destinée à une première résidence « 

Comme dans le reste du pays, l’immobilier ardennais a souffert de la crise. Et même plus tôt, dès 2005

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