Sectes : enfin une loi efficace

Une loi arrive pour contrer les gourous de tout poil, des sectes internationales aux pseudo-thérapeutes. Au cour du problème : l’abus de la faiblesse des personnes fragilisées.

Les titres des propositions de loi sont parfois indigestes. C’est que, pour franchir le filtre de la commission Justice de la Chambre – et donc convenir aux partis s’apprêtant à les voter -, ils peuvent être quelque peu triturés. C’est sans doute ce qui est arrivé à la  » proposition de loi insérant un article 442 quater dans le Code pénal en vue de sanctionner la déstabilisation mentale des personnes et les abus de la situation de faiblesse des personnes ainsi qu’étendant la protection pénale des personnes particulièrement vulnérables contre la maltraitance « . Mais le reste du texte est clair : il s’agit de mieux protéger des gourous et autres abuseurs les personnes fragilisées.

Cette proposition va devenir loi : son texte, déjà adopté en première lecture par cette commission, devait y être voté au milieu de la semaine (avant d’être quasi automatiquement accepté ensuite en séance plénière). Il présente deux volets et vise d’abord à permettre d’incriminer ceux qui, dans une intention de nuire, abusent de la faiblesse de personnes mises en situation de vulnérabilité en raison de l’âge, d’un état de grossesse, d’une maladie, d’une infirmité ou d’une déficience physique ou mentale. Cet abus, qui était déjà punissable en France (une très efficace loi About-Picard y existe depuis 2001), peut consister à amener la victime à poser un acte ou, au contraire, à s’en abstenir. C’est selon que l’une ou l’autre de ces situations la conduira à nuire à son intégrité ou à son patrimoine. Portée à bout de bras par le député socialiste André Frédéric, la loi ne sera cependant pas aveugle : pour être incriminé, l’auteur devra avoir eu connaissance de l’état de faiblesse de la victime, soit qu’il ait été apparent, soit que la nature ou la longueur des relations entre auteur et abusé ait rendu l’ignorance impossible.

Secret professionnel

Voilà qui complète le Code pénal utilement avec une infraction qui faisait parfois cruellement défaut dans la répression de comportements à la marge d’une série d’autres infractions, telles que l’escroquerie ou l’abus de confiance. Il est à cet égard certain – c’était l’un des objectifs – que la justice sera considérablement mieux armée pour lutter contre les dirigeants des sectes nuisibles, là où il lui était parfois difficile d’agir, jusqu’ici. Un aspect de la loi, qui prévoit l’aggravation des peines lorsque l’acte ou l’abstention préjudiciable sont le résultat de  » pressions physiques ou psychologiques graves ou réitérées « , vise à l’évidence certaines pratiques sectaires… D’autres circonstances aggravantes pourront par ailleurs être retenues, quand l’abus est commis sur un mineur ou lorsqu’il cause une maladie incurable ou une incapacité grave, voire la mort (on pense aux sectes, avec les suicides d’adeptes, mais également aux dangereux pseudo-thérapeutes).

Mais si le c£ur de cible de la loi neuve est sans conteste le monde sectaire, elle vise plus large. Son autre volet permettra d’uniformiser l’aggravation des peines pour des infractions commises sur des personnes  » vulnérables « . Au menu, en vrac : prise d’otage, viol, coups et blessures, abandon de personnes dans le besoin, traite des êtres humains, exploitation de la mendicité, du statut de résident illégal (marchands de sommeil…), maltraitance en famille ou en maison de repos, etc. Dernière nouveauté : la violation du secret professionnel ne sera plus poursuivie s’il s’agit d’avertir le parquet d’une infraction commise contre une de ces personnes (comme c’est déjà le cas pour les victimes mineures).

ROLAND PLANCHAR

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