Salzbourg : les marchands du Temple

Le 250e anniversaire de la naissance de son enfant chéri sera une bonne affaire pour la ville. Et un jackpot assuré pour les hôteliers, confiseurs, fabricants de souvenirs, qui multiplient les produits dérivés

Oublié, Mickey et ses grandes oreilles, Astérix et sa gourde de potion magiqueà Bienvenue à Mozartland. La ville de Salzbourg, en Autriche, s’apprête à célébrer en grande pompe le 250e anniversaire du compositeur allemand. Pas moins de 4 500 concerts et spectacles devraient se tenir en 2006 à partir du 27 janvier.  » La mise en place de ce festival nous a demandé près de huit ans de travail et les pouvoirs publics ont investi 7 millions d’euros dans ce projet « , résume Andrea Blöchl-Köstner, porte-parole de Mozart 2006. Les sponsors ont été priés de mettre la main à la poche. Nestlé, Audi et le Crédit suisse ont ainsi choisi de parrainer les concerts de l’été.  » Il est plus facile de trouver des partenaires pour financer des concerts de Mozart que pour aider la musique contemporaine « , reconnaît Mme Blöchl-Köstner.  » Nous avons trouvé des sponsors pour tous les projets spéciaux que nous organiserons l’an prochain « , confirme Mirjam Nellmann, qui travaille pour la fondation internationale Mozarteum. Cette institution, créée en 1841, qui possède notamment la maison de naissance du génial fils de Leopold et qui organise chaque année une semaine de récitals baptisée  » Mozart Woche « .

Un produit d’appel de rêve

Moins de quelques semaines avant l’inauguration de ces festivités, la ville est encore un énorme chantier. Près de 85 millions d’euros ont été investis dans ces grands travaux. Les derniers coups de pinceau sont donnés au n° 1 de la place Mozart, qui abritera un musée flambant neuf. Le petit palais des festivals sera pour sa part inauguré le 26 juillet et l’université de musique Mozarteum emménagera dans de nouveaux locaux.

Cette ville de 144 000 habitants qui a bâti sa fortune sur le commerce du sel (l' » or blanc  » lui a donné son nom) joue gros en 2006. Les 5 à 7 millions de visiteurs qui viennent chaque année marcher sur les traces du  » père  » de Don Giovanni représentent en effet un joli pactole pour la  » Rome du Nord « .  » La marque Mozart aurait une valeur de 5 milliards d’euros. Le tourisme rapporte à lui seul 500 millions d’euros par an à la ville, soit le quart de son produit intérieur brut « , résume Herbert Brugger, directeur général de l’office du tourisme de Salzbourg et organisateur avec ses collègues de Vienne de 24 conférences de presse à l’étranger pour promouvoir Mozart 2006.

Le compositeur mort à 35 ans représente un  » produit d’appel  » de rêve pour les hôteliers. Le quatre-étoiles Mozart se situe ainsi à quelques rues de l’Amadeus. L’hôtel Stein, dont la terrasse offre une vue imprenable sur la vieille ville, possède six chambres Mozart qui sont meublées avec des pièces datant de la fin du xviiie siècle. Le Wolf Dietrich a, lui, préféré jouer la carte du kitsch flamboyant dans ces quatre suites Papagayo et Flûte enchantée avec leurs têtes de lit éclairées par des dizaines de petites lumières aux couleurs changeantesà

Mais Mozart fait également les choux gras des chocolatiers. Tout a commencé en 1890 chez un petit confiseur de la vieille ville.  » Cette année-là, mon arrière-arrière-grand-père a eu l’idée de créer un produit pour célébrer, l’année suivante, le 100e anniversaire de la mort du compositeur, relate Martin Fürst. Il a placé au c£ur d’une boule de chocolat noir de la pâte d’amande, de la pistache et du nougat. La Mozartkugel était née. Il a toutefois oublié de déposer un brevet et, très vite, ses concurrents ont commencé à le copier. Aujourd’hui, une quinzaine de confiseurs proposent des Kugeln.  » En 1948, la société Mirabell a même construit une usine, qui a produit jusqu’à ce jour plus de 1,5 milliard de boules de chocolat. La multinationale Kraft Foods a depuis racheté cette marque, distribuée dans une trentaine de pays. Après six mois de recherche, la plus grande laiterie de Salzbourg a lancé, en septembre, un yaourt et une boisson dont le goût ressemble à s’y méprendre à celui de la Mozartkugel.  » Le succès que nous rencontrons notamment à l’étranger dépasse nos espérances, reconnaît Hans Steiner, directeur général de SalzburgerLand. Nous devrions écouler 1 million de produits avant la fin de l’année et, en 2006, nos ventes devraient dépasser les 5 millions d’unités.  » Une aubaine pour un produit dont la marge bénéficiaire est de 30 % supérieure à celle d’un milk-shake normal.  » Il est plus facile de vendre un article lorsque la tête de Mozart est collée dessus « , reconnaît M. Steiner. Constat qui a fait tourner la tête à de nombreux marchands du Temple.

Attention à l’overdose

 » Le nombre de produits estampillés Mozart ne cesse d’augmenter depuis cinq ans.  » Alois Rieder parle en connaissance de cause. La société pour laquelle il travaille, Mozartland, vend près de 500 différents produits sur lesquels figure l’image de Wolfgang Amadeus. Cette filiale de la brasserie locale, Stiegl, flirte souvent avec les limites du bon goût. Des biberons à la casquette, en passant par le parapluie ou le porte-clefsà Les amateurs de souvenirs ne manquent pas de choix. Mais la concurrence est rude.  » Vous pouvez acheter du saké Mozart au Japon, de la bière Mozart, du vin Mozart et, bientôt, des saucisses Mozart, note Herbert Brugger. On ne peut pas empêcher ce phénomène. C’est la loi du marché.  »  » Il existe toutefois un risque d’overdose, estime Hans Steiner. Le danger est réel que Salzbourg devienne une sorte de Disneyland de Mozart.  »

Ce qui n’empêche pas la hausse constante du nombre des touristes depuis trois ans. Durant le festival d’été, les ruelles de la vieille ville sont si bondées que les locaux évitent de s’y rendre. Aujourd’hui, les autorités locales encouragent les Salzbourgeois à retourner dans le centre en permettant notamment l’ouverture plus tardive des bars ; des mesures sont nécessaires, selon Hans Steiner, pour que  » le c£ur historique ne devienne pas un joyau qui étouffe sous une cloche de verre « . La survie de la poule aux £ufs d’or mozartienne est à ce prixà

Frédéric Therin

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire