Salut l’Amy

Julien Bordier Journaliste

La carrière de la chanteuse Amy Winehouse, décédée le 23 juillet, a alterné glamour avec trash attitude. Portrait d’une enfant terrible de la soul.

Le tristement mythique Club des 27 accueille une nouvelle adhérente. Amy Winehouse a pris sa carte de membre le 23 juillet, victime probablement d’une overdose dans son appartement londonien. Comme Robert Johnson, Brian Jones, Jimi Hendrix, Janis Joplin, Jim Morrison et Kurt Cobain, la chanteuse est morte à l’âge de 27 ans. Une fin tragique pour une diva de la soul. Si sa disparition est un choc, voire ressemble à une malédiction, ce n’est certainement pas une surprise. Ses dernières apparitions sur scène et les déclarations de ses proches, témoins directs de son autodestruction, laissaient présager le pire.  » Je t’avais dit que j’étais un problème/Tu sais que je suis mauvaise « , prévenait-elle déjà dans sa chanson You Know I’m No Good.

L’addiction aux drogues et à l’alcool d’Amy Winehouse a donné le tempo de sa carrière météoritique. Après un premier album salué par la critique, Frank (2003), la Britannique transforme son refus de se rendre dans un centre de désintoxication en tube instantané.  » Ils ont essayé de m’envoyer en cure de désintox, j’ai dit non, non, non « , scande sur Rehab, de sa puissante voix  » black « , cette brindille de 1,57 mètre, tatouée comme un matelot, maquillée comme une reine égyptienne et choucroutée comme Brigitte Bardot. Gorgé de rhythm’n’blues dans la veine des studios Motown et Stax, Back to Black est le grand disque de l’année 2006-2007. La nouvelle princesse de la soul est une anglaise, blanche et juive ! Du jamais-vu ni entendu. La poupée qui dit non est comparée à Aretha Franklin, Sarah Vaughan ou Billie Holiday. Vendu à plus de 11 millions d’exemplaires et récompensé par cinq Grammy Awards, son  » Retour au noir « , chronique d’une rupture amoureuse, ressuscite un son et une esthétique. La chanteuse ouvre la voie à une mode rétro soul (Seal, Duffy, Adeleà). Les anciens, comme Sharon Jones, profitent eux aussi de ce revival. Merci l’Amy.

Fille d’un chauffeur de taxi qui lui chantait du Frank Sinatra, Amy Jade Winehouse a très tôt trouvé sa voie. De la graine de chanteuseà et de scandaleuse. A 14 ans, elle est expulsée de la Sylvia Young Theatre School. Cette fan des Ronettes n’en fait déjà qu’à sa tête. Et le succès de Back to Black n’adoucira pas sa personnalité revêche. Si Amy Winehouse possède une voix d’or, elle est aussi dotée d’une langue de vipère – elle a traité Madonna de  » vieille has been « . Son mode de vie – sexe, drogues et rock’n’roll -, illustré par son mariage agité avec Blake Fielder-Civil, fait la Une des tabloïds anglo-saxons. Ses excès concurrencent même ceux du récidiviste Pete Doherty. Les deux trublions entretiendront d’ailleurs une courte relation. Le glamour laisse place au trash. La bad girl n’honore plus ses engagements – deux fois de suite, en 2007 et 2008, elle pose ainsi un lapin au festival parisien Rock en Seine. La cote de la diva destroy dégringole. Elle ne remontera jamais.

Un troisième album était annoncé pour cette année, ultime tentative pour remettre sa carrière sur d’autres rails que ceux de la coke. Le 18 juin, à Belgrade (Serbie), elle monte sur scène plus soûle que soul. Pathétique. Les dates suivantes de sa tournée sont annulées. Sa présence en studio se faisait rare. Elle avait récemment enregistré It’s My Party, une reprise de Lesley Gore, pour un album hommage au producteur Quincy Jones, paru en 2010. Fin septembre, on retrouvera sa voix, en duo avec celle du crooner américain Tony Bennett, sur la chanson Body and Soul. Deux enregistrements en cinq ans, c’est mince. Reste le sentiment d’un immense gâchis.

JULIEN BORDIER

Elle transforme son refus de se rendre en centre de désintox en tube instantané

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